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La géographie se développe ainsi sur une vaste ligne qui court du sud-est au nord-ouest, des bouches du Gange aux îles de la mer du Nord. À leur tour, les Romains arrivent et comblent d’immenses lacunes. Le peuple-roi se met en marche dans toutes les directions, et va réveiller de leur long sommeil ces tribus barbares qui, plus tard, devaient lui rendre sa visite. La Grande-Bretagne, les Gaules, la Germanie, la Scythie, la Sarmatie, l’Hybernie, les pays slavons, tout le nord de l’Afrique, l’Asie jusqu’au-delà du Gange, la Baltique, l’Atlantique, l’Océan indien, et les mers intérieures, tout ce territoire où il a envoyé ses légions, tous ces parages où il a promené ses trirèmes, appartiennent désormais au domaine de l’observation exacte. Strabon et Pline en commencent la description : Marin de Tyr et Ptolémée l’achèvent. C’est le monde des anciens : de mille ans on n’y touchera plus. La science est frappée d’engourdissement ; on la dirait morte.

Cet intervalle est occupé, plutôt qu’il n’est rempli, par quelques moines chrétiens, tels que Cosmas, Bernard, Adaman, par des faiseurs d’itinéraires calqués sur celui d’Antonin ; enfin, par une description générale du globe, ouvrage d’un Goth dont le nom est demeuré inconnu, et que l’on appelle le Géographe de Ravenne. Peu à peu pourtant, ces derniers reflets des traditions grecque et romaine pâlissent, se dispersent, et dans l’intervalle apparaît le météore vif et court de la civilisation arabe. Bagdad, Cordoue et Caïrwan deviennent des foyers d’études géographiques d’où sortent les maîtres de l’époque, Aboul-Feda, El-Maqrizy, El-Bakoui et Léon l’Africain. Les Arabes connurent les îles Fortunées, nos îles Canaries, que les pirates normands devaient conquérir deux siècles plus tard. Ils poussèrent leurs excursions dans le Sahara et jusqu’au Cap Blanc d’une part ; de l’autre, jusqu’au royaume de Mélinde et à l’île de Madagascar, où ils fondèrent des colonies. L’Inde, les provinces du Caucase, le Thibet, la Chine, que visitèrent, vers 712, des ambassadeurs du kalife Walid, les îles Malaises, où le mahométisme est encore la religion régnante, sont dès-lors des pays familiers aux Arabes et fréquentés par leurs vaisseaux. Leurs navigateurs abordent à Guzurate, au pays de Canoge, le Bengale actuel, à Calicut, aux Maldives, sur la cote de Malabar ; ils paraissent même à Kan-Fou, dans laquelle nos savans ont cru reconnaître l’importante ville de Canton. Pendant que l’activité arabe déborde ainsi sur les terres tempérées du globe, le Nord semble travaillé, de son côté, par les premiers symptômes d’une fièvre de découvertes. Les fils d’Odin aven-