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bourg ? Car, en 1830, on reprochait justement à la maison d’Orange l’imprudence avec laquelle, sous les rapports administratifs et politiques, elle avait assimilé cette province aux autres provinces méridionales, précipitant ainsi l’oblitération de son droit spécial à la possession du grand-duché. Le gouvernement belge a précisément agi de la même manière, et comme il aurait dû agir, s’il avait été de mauvaise foi en signant le traité des 24 articles, qui ne lui laissait que moitié du Luxembourg et moitié du Limbourg. Il ne fallait pas, j’en conviens, que le gouvernement belge repoussât des populations amies et qui désiraient lui appartenir ; mais il y avait une mesure à garder, des précautions à prendre, des réserves à établir dans ses relations avec elles. Si cette loi des nationalités était si inflexible, pourquoi la France ne revendiquerait-elle pas un territoire bien français, de cent vingt-cinq lieues carrées, qui lui appartenait en 1792 et que le traité de 1815 lui a enlevé pour le réunir à la Belgique, qui le conserve sans scrupule. Ce serait assurément la plus juste de toutes les restitutions.

Je vous ai retracé le tableau de ce que la France a fait pour la Belgique, de 1830 à 1832. J’ai maintenant à vous dire quels services elle lui a rendus depuis que le roi des Pays-Bas s’est déclaré prêt à signer le traité des 24 articles ; et en vérité, monsieur, il faut bien, par le temps d’injustice qui court, que l’honneur des adoucissemens apportés à ce traité revienne à qui de droit. Sachez donc que la Belgique n’a pas eu à Londres d’autre protecteur et d’autre avocat que le ministère français. Sa cause n’a trouvé qu’indifférence et tiédeur chez un gouvernement que l’on aurait dû croire mieux disposé en faveur du roi Léopold ; et quant aux trois autres puissances, elles ne manifestaient que des sentimens hostiles et quelquefois même la plus vive irritation. Cela tient pour la Prusse et l’Autriche à deux causes graves. Le cabinet de Berlin, à tort ou à raison, soupçonne la Belgique de fomenter le soulèvement moral de la population catholique dans la Prusse rhénane. Il croit que le clergé belge et le parti ultramontain y envoient des émissaires, y provoquent des vœux de séparation, y présentent aux esprits l’exemple d’une insurrection heureuse contre un gouvernement accusé d’intolérance, et peut-être même y ébauchent avec les plus ardens de plus sérieux complots. Sans admettre que ces craintes soient entièrement fondées, il est évident que la Prusse, dans l’état actuel des choses, doit désirer que ses sujets des provinces rhénanes n’aient plus avec la Belgique des points de contact aussi nombreux, et que la domination hollandaise revienne au plus tôt s’interposer sur la Meuse entre une propagande possible et un peuple très disposé à l’accueillir. Le cabinet de Vienne est peut-être assez indifférent aux embarras que donnent à la Prusse ses sujets catholiques ; mais à ses yeux la question belge est une question de popularité en Allemagne, et cet intérêt lui est commun avec la Prusse, car en ce moment toute l’Allemagne est soulevée contre les prétentions de la Belgique sur la totalité du Limbourg et du Luxembourg. La confédération germanique n’avait pas consenti sans peine à l’échange d’une