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REVUE. — CHRONIQUE.

même cette crainte serait exagérée, la présence des Hollandais dans Anvers est une dernière menace, un dernier vestige de la domination étrangère qu’il faut faire disparaître. C’est encore la France qui se charge de ce soin, et l’on sait comment le maréchal Gérard, et le général Haxo, que l’armée vient de perdre, ont exécuté cette entreprise dans une campagne d’hiver, où l’héritier du trône de France a exposé sa vie. Depuis cette époque, la Belgique a eu tous les avantages du statu quo, dont elle invoque aujourd’hui les conséquences pour ne pas exécuter ses engagemens de 1831. En effet, qui a payé pendant huit ans les arrérages de la dette, et les a payés irrévocablement ? Qui a tenu sur pied des forces bien plus considérables que celles de la Belgique, garantie de tout danger sérieux par la protection française ? Qui enfin est resté privé de la possession d’une partie des territoires auxquels la Belgique avait solennellement renoncé ? N’est-il pas évident que depuis la prise de la citadelle d’Anvers, tout le désavantage de la position a été pour la Hollande ?

Mais, dit-on, les refus prolongés du roi des Pays-Bas ont annulé le traité des 24 articles. Cela n’est pas vrai, car aucune disposition de ce traité ne fixe un délai fatal pour son acceptation. Il y a plus, la Belgique ne voudrait, elle ne pourrait pas vouloir que ce traité fût annulé, puisqu’il est le seul titre officiel de son existence, comme état indépendant et sui juris reconnu par l’Europe. Que l’on revienne au point de départ ; que l’on reprenne tout l’édifice par la base, et l’on retombera forcément dans les mêmes difficultés, dans la même impossibilité de concilier avec les droits acquis, avec la lettre et l’esprit des traités antérieurs, les prétentions territoriales de la Belgique, fondées sur la nationalité belge. La nationalité belge ! voilà effectivement la question. Les engagemens les plus solennels, les principes du droit des gens, tout ce qui sert de base aux relations internationales dans l’Europe moderne, la Belgique a tout cela contre elle, et elle le sait bien ; mais elle se retranche dans son indivisible nationalité. Si le temps et le lieu ne me défendaient d’examiner cette prétention, je crois, monsieur, qu’après une discussion sérieuse il faudrait beaucoup en rabattre ; c’est du moins l’opinion générale, et je ne serais pas embarrassé de soutenir la mienne. Passons cependant sur la théorie de la nationalité belge, et demandons à la Belgique comment il se fait qu’en 1831 elle a conclu, signé et ratifié, un traité définitif qui lui imposait à cet égard quelques sacrifices ? Prévoyait-elle donc alors que le roi des Pays-Bas hésiterait quelques années à consommer le sien, et appliquait-elle à ses nouveaux engagemens le système des restrictions mentales ?

Il y a une autre objection à détruire. La Belgique prétend que, pendant ces huit années d’existence commune, il s’est formé entre elle et les parties cédées du Luxembourg et du Limbourg des liens qui sont maintenant indissolubles. Cette assertion est exagérée. Mais admettons qu’il en résulte une difficulté de plus : ne pourrait-on pas demander à la Belgique pourquoi elle a renouvelé la faute déjà commise par le roi des Pays-Bas à l’égard du Luxem-