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conserver tout son éclat. Ce sont là, monsieur, assez d’hommages rendus à la supériorité de notre civilisation, au roi qui la comprend si bien, et qui en fait si noblement les honneurs à toute l’Europe.

Vos lecteurs des Deux Mondes me pardonneront, j’en suis sûr, d’avoir rappelé ces souvenirs, encore palpitans, et aucun homme de bonne foi ne me démentira. Venons-en maintenant à des applications plus immédiates ; entrons dans les questions politiques, et prenons, si vous le voulez, cette question hollando-belge, hérissée de tant de difficultés, et qui est devenue, depuis quelque temps, le texte d’accusations si mal fondées.

Quelle a été la conduite de la France envers la Belgique ? Le lendemain de la révolution belge, la France a sauvé ce pays d’une intervention prussienne, qui aurait infailliblement remis la maison d’Orange en possession des provinces méridionales. Une fois ce danger écarté, et nul ne savait si la déclaration de M. Molé n’équivaudrait pas à une déclaration de guerre, la France a établi à Londres une médiation qui, s’interposant aussitôt entre la Belgique insurgée et l’armée hollandaise, a contenu celle-ci dans ses quartiers, et épargné à l’autre les maux de la guerre et les périls d’une lutte inégale. Personne n’osera nier que l’attitude et la ferme détermination de la France aient exercé dans ces premières phases de l’affaire une influence prépondérante et décisive. À l’ombre de cette protection, la Belgique sort du chaos, se constitue, s’organise, obtient des conditions de jour en jour meilleures et se donne un roi. Qu’arrive-t-il alors ? Le roi des Pays-Bas rompt l’armistice ; et quoique je ne cherche pas à rappeler des souvenirs fâcheux pour la Belgique, on me permettra de dire que, sans l’armée française, les Hollandais seraient entrés à Bruxelles en vainqueurs, ce qui aurait bien pu changer le dénouement de la question et amener une solution qui aurait mis tout le monde d’accord, aux dépens de la nationalité belge, à jamais effacée, et cela sans provoquer une conflagration européenne. L’indépendance de la Belgique, une seconde fois sauvée par la France, est ensuite constituée par un traité définitif, à des conditions rigoureuses sous le rapport des arrangemens pécuniaires (ce qui est devenu insignifiant, puisqu’il est de notoriété publique qu’elles sont maintenant adoucies), mais sous le rapport territorial, aux conditions déjà posées, toujours maintenues et jugées inévitables, pour que l’existence du nouvel état obtînt l’assentiment de l’Europe. Voilà donc la Belgique indépendante, organisée, reconnue et garantie par des engagemens solennels. Le traité auquel elle doit tous ces avantages en présente si peu au roi des Pays-Bas, qu’il proteste contre ses dispositions, qu’il refuse obstinément d’y adhérer et qu’il est long-temps soutenu par son peuple dans cette résistance, qui n’a perdu que peu à peu son caractère national. Mais il reste quelque chose à faire pour la Belgique. Elle n’est pas entièrement maîtresse de son propre territoire ; sa première ville de commerce, le plus beau fleuron de la nouvelle couronne, est sous le feu de l’artillerie hollandaise. Anvers peut être bouleversé de fond en comble par les obus de la citadelle ; et quand