Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/875

Cette page a été validée par deux contributeurs.
871
REVUE. — CHRONIQUE.

menaçait la révolution de juillet, sans doute le système politique devrait être modifié. Il serait clair qu’on s’était trompé en l’adoptant, et que la France doit prendre une autre attitude pour maintenir son rang et sa considération en Europe. Mais où sont, je le demande, les dangers qui nous menacent ? où est la coalition qui s’apprête à nous attaquer ? Quelle est la question, quel est l’intérêt européen sur lesquels on n’ait pas compté avec nous. Depuis quand aurions-nous plus d’ennemis et moins d’amis ? Quel est le pays où le nom de la France et du roi auraient perdu de leur grandeur ? Assurément, monsieur, ce pays-là, ce n’est pas l’Angleterre, qui retentit encore des acclamations du plus éclatant triomphe dont un Français ait été honoré par une nation étrangère depuis le dernier voyage du général Lafayette en Amérique. Et le maréchal Soult, remarquez-le bien, c’était à la fois l’homme et le représentant de la France, le glorieux lieutenant de l’empereur, et l’ambassadeur extraordinaire du roi Louis-Philippe, dont le nom a sans cesse été placé le premier, avec la plus vive et plus cordiale admiration, dans ces toasts solennels où s’exprimaient en termes si élevés les meilleurs sentimens de la meilleure partie d’un grand peuple. Le pays où la France et le roi auraient perdu quelque chose de leur considération, ce n’est pas non plus l’Allemagne. Je voudrais pouvoir vous citer les noms, les noms honorables et rien moins que suspects, des hommes politiques qui ont visité l’Allemagne dans l’intervalle des deux sessions, et qui n’en croyaient pas leurs oreilles, chaque fois qu’ils entendaient parler de la France et de son souverain, dans les sociétés, dans les classes intelligentes qui jugent et font l’opinion. Je n’en suis pas étonné, et je n’ai pas besoin de constater par d’autres moyens que notre belle France est visitée tous les ans par une multitude croissante d’étrangers, qui, ne comprenant heureusement rien à nos tristes querelles, ne peuvent trop admirer notre immense prospérité, nos progrès en tout genre, la libéralité de nos mœurs, la tolérance de nos opinions, la douceur et les lumières de notre gouvernement, l’esprit de liberté dont nos institutions politiques et tous les élémens de notre ordre social sont si profondément pénétrés. Serait-ce dans l’autre hémisphère, aux États-Unis, par exemple, que l’on mépriserait la nation française comme une nation courbée sous le plus humiliant despotisme ? Mais, il y a quelques mois à peine, vous le savez, le pavillon de l’amiral La Bretonnière et le prince de Joinville étaient salués avec le plus touchant enthousiasme par la population des États-Unis. Gouvernement fédéral et gouvernemens des états, corporations et individus, tout avait pris un air de fête, tout se précipitait au-devant de ce jeune Français, de ce jeune prince, étonné d’un si cordial accueil chez ces républicains, et qui en reportait modestement tout l’honneur sur la France et sur le roi. À Rio-Janeiro, où le prince était attendu depuis deux ans avec plus d’impatience qu’on ne saurait le dire, à La Havane, chez des peuples divers de mœurs et d’institutions, même empressement, mêmes honneurs prodigués à notre glorieux drapeau, mêmes sentimens pour la dynastie qui n’a pas voulu en faire un signal de guerre universelle, et a su néanmoins lui