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l’intervention, telle qu’on l’entendait, était l’entrée en Espagne pour une question de politique intérieure de l’Espagne, et non pour l’intérêt français ; que pour lui, il ne comprenait que la guerre, la guerre contre un parti hostile à la France, et qui serait à la tête des affaires ; la guerre à don Carlos, s’il entretenait des intelligences avec les légitimistes du midi, s’il appelait à lui les émigrés français ; et la guerre aussi, sans doute, à un autre parti, s’il entretenait des intelligences avec les républicains de France, et s’il appelait à lui les contumaces français. Alors, disait le ministère, nous deviendrions belliqueux, ou, si l’on veut, aussi intervenans que nos adversaires ; nous dirions : « Détruisons, expulsons notre ennemi, sans nous charger de décider de la politique intérieure de l’Espagne. » On accusait le ministère de ne pas exécuter le traité de la quadruple alliance. Dès les premières séances de la chambre, on sut ce qu’était ce traité. On apprit qu’il ne stipulait qu’une coopération ; que cette coopération ne pouvait avoir lieu que le jour où les quatre puissances le jugeraient nécessaire, et que ces quatre puissances en régleraient, pour chaque cas, la nature et la limite. On fit comprendre à la chambre que, si aujourd’hui on entrait en Espagne, le lendemain, nous trouvant liés et engagés dans cette entreprise hasardeuse, il y aurait quelque chose en Orient, et peut-être ailleurs. Ainsi, on vit tout de suite clairement ce qui était resté, grace aux éclaircissemens de l’opposition de la presse, obscur et embrouillé. On sut, à n’en pas douter, que le gouvernement était loin d’avoir pris la résolution de ne jamais se mêler des affaires de l’Espagne, et l’on sut dans quels cas, non encore advenus, il y mettrait la main. On sut qu’il n’avait violé en rien le traité de la quadruple alliance ; on sut encore quels inconvéniens graves il y aurait à l’expliquer et à l’exécuter imprudemment ; et une majorité immense vint se ranger, dans cette question, du côté du ministère.

On saura bientôt si la France pouvait et devait rester à Ancône, si la Belgique a été abandonnée par le gouvernement comme l’opposition l’en accuse. On saura si les traités de Casimir Périer pouvaient être plus éludés que celui de la quadruple alliance, et si le ministère du 22 février 1836 et d’autres jugeaient la question autrement que le cabinet du 15 avril. N’a-t-on pas vu, dans la discussion de l’an passé, que M. Thiers avait adressé à notre ambassadeur à Londres une admirable dépêche contre l’intervention, et qu’à la même époque, il refusa d’accéder à la proposition de l’Angleterre qui engageait le gouvernement français à occuper Fontarabie et le fort du Passage ? Qui sait si l’évacuation d’Ancône et le maintien du traité des 24 articles, grandement modifié sous le rapport financier, grace au cabinet actuel, ne se trouveront pas justifiés devant les chambres, par des antécédens semblables et par des autorités aussi hautes ? On se récriera dans l’opposition contre l’opposition égoïste du gouvernement ; mais on verra si le gouvernement d’aujourd’hui est plus égoïste que l’a été le gouvernement au 13 mars et au 11 octobre, à l’égard de la Pologne, de l’Italie et de l’Allemagne ; véritable