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dans les journaux de l’opposition, la terrible accusation de ministériel ; et il faut bien l’avouer, il est certains esprits timides qui, tout en regardant la coalition comme une association dangereuse et politiquement immorale, tremblent à la seule idée de voir leur nom figurer dans une des diatribes quotidiennes de l’opposition, et se résignent, en apparence du moins, aux conditions qu’elle leur impose. Mais le jour du vote éclaircira toute cette situation.

Jusqu’à présent, nous avons seulement entendu les cris de l’opposition, nous n’avons pas pu juger de sa consistance. La session va enfin s’ouvrir, et, dans deux jours, les injures, et les calomnies auront déjà perdu cent pour cent de leur valeur. À l’ouverture des chambres, il y a comme une fantasmagorie qui se dissipe, et, dès ce moment, les bonnes raisons ont seules cours et valeur. Non pas que nous doutions que la coalition n’ait de bonnes raisons à produire ; mais enfin il faudra les dégager du genre de polémique dont on les accompagne, et qui consiste, depuis six mois, à déclarer d’abord le ministère petit, puis à le nommer tour à tour, et dans un crescendo qu’envierait Basile, incapable, servile, corrompu, corrupteur, déplorable, et enfin pitoyable. Heureusement, la chambre n’entend rien à ce genre de discussion ; avec elle, il faut entamer le chapitre des affaires et le traiter sérieusement. Il faut aussi laisser à la porte de l’enceinte parlementaire cet enivrement qu’on éprouve en remplissant son salon de tous les hommes de bonne volonté que l’on rencontre, renoncer à regarder comme des appuis tous ceux qui se présentent, et compter sérieusement, au milieu de cette foule d’amis, le petit nombre de députés qui y figurent. Il faut encore s’abstenir de prendre des actes de politesse pour des actes de dévouement, et de regarder chaque carte de visite qu’on dépose à votre porte comme une boule blanche déposée dans l’urne à votre intention. Ainsi réduites à leur véritable influence et à leurs talens de discussion, les sommités de l’opposition sont encore très puissantes assurément, mais elles n’en sont pas à exercer sur les hommes et sur les choses cette domination tyrannique à laquelle elles prétendent dans leurs journaux.

Qu’on veuille bien jeter un coup d’œil en arrière, et se reporter à la session passée. La coalition n’était pas encore formée, au début de la session, d’une manière aussi nette qu’elle l’est aujourd’hui ; mais l’opposition se croyait sûre de la victoire. Le centre gauche semblait certain de convertir la chambre à l’intervention et à toutes les questions sur lesquelles il avait placé son avenir politique. On a vu ce qui en est résulté. L’opposition n’est pas changée ; seulement elle s’est étendue, et veut plus encore. Sera-t-elle plus habile ? Nous ne le pensons pas ; car ce n’est pas faute d’habileté que la coalition a succombé l’année dernière. Voyez ce qu’elle a fait dans la discussion de l’adresse, dans celle des chemins de fer. Quand elle parlait en faveur de l’intervention, la France, à l’entendre, était tout-à-fait tranquille, délivrée de tous ses embarras, les affaires d’Afrique terminées. M. Molé avait beau dire que nous