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REVUE. — CHRONIQUE.

versaires ; mais la chambre se chargera peut-être de réparer les torts de la coalition.

Nous ne dirons pas à la coalition ce qu’elle dit à M. Dupin. Nous ne la sommerons pas de nous dire catégoriquement qui elle porte à la présidence de la chambre, d’où elle repousse l’ancien président. On sait bien que la coalition qui a le droit de faire subir des interrogatoires à tout le monde, s’est accordé le privilége de ne répondre à personne. Mais serait-il vrai que le projet de porter M. Guizot à la présidence, mis en avant par une feuille de la gauche avancée, ait échoué du fait même de M. Guizot ? Nous a-t-on trompés en nous disant que quelques députés, qui avaient été sollicités d’appuyer la formation d’un cabinet du centre gauche, avaient refusé de s’y prêter si M. Guizot n’était mis préalablement en possession de la présidence de la chambre ? À leur avis, un homme aussi considérable ne pouvait, dans l’intérêt même de la sûreté du pouvoir, rester en dehors du gouvernement, et puisqu’on ne pouvait lui accorder une participation directe à l’administration, dans un cabinet de la gauche, ils voulaient qu’on lui assurât un poste où il pourrait attendre patiemment le jour de rentrer aux affaires. Mais M. Guizot se serait hâté, dit-on, de prier ces députés de ne pas s’occuper de son avenir. Le rétablissement des principes qu’il poursuit, est, disait-il, le seul but de son ambition, et il entend partager jusqu’au bout la lutte de la coalition, sans permettre qu’on songe à le pourvoir avant l’issue du combat. Ce désintéressement très habile, et très admiré par quelques-uns, aurait donné matière à réflexion à quelques autres, et le centre gauche commencerait à reconnaître ce que nous lui avons dit si souvent, à savoir que le parti doctrinaire entrera seul aux affaires si la coalition réussit dans ses projets.

Il faut rendre justice au centre gauche. Il se prête admirablement aux projets des doctrinaires. Grace à lui, un parti qui avait été cruellement traité dans les élections, et qui n’avait sauvé quelques-uns de ses débris qu’en se mettant sous la protection de l’administration qu’il attaque aujourd’hui, a tellement rétabli ses affaires, qu’il peut, avec quelque certitude, se croire à la veille de saisir le pouvoir. Un journal annonçait hier que le centre gauche s’occupe en ce moment d’offrir des portefeuilles. Le parti doctrinaire, qui ne se refuse pas les sarcasmes contre ses alliés, doit voir en riant ces préparatifs. En attendant, M. Guizot invite, par des lettres de sa main, les maires de Paris, les colonels de la garde nationale, et tous ceux qui auraient quelques devoirs à rendre à un ministre de l’intérieur, à s’assembler chez lui une fois par semaine. Chacun forme ainsi, dans la coalition, les cadres de son ministère ; tout en marchant ensemble, en se donnant l’accolade fraternelle, on établit des foyers différens, et la victoire, dont on se croit si proche, ramène des prétentions bien contraires. Quant à la majorité, après l’avoir déjà comptée pour soi en faisant cause commune, les partis coalisés la fractionnent au bénéfice de chacun d’eux. Si quelqu’un manque à l’appel, vite on lui jette,