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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

droit d’attendre. La commutation des dîmes sur les bases où elle est établie n’a rien de vraiment sérieux ; la propriété de l’église épiscopale reste intacte par le rejet du bill qui consacrait l’appropriation de son excédant à l’éducation populaire, et le clergé de la majorité, dénué de ressources assurées, continue, de son côté, à rester à la merci des séductions les plus dangereuses ; enfin, l’élévation du taux de la franchise municipale par la pairie doit assurément diminuer les bons effets attendus de la réforme des corporations, en maintenant, du moins pour quelques villes, l’odieux despotisme des petits tyrans orangistes. Mais comment méconnaître néanmoins les redressemens importans obtenus par ce pays, objet spécial, on pourrait presque dire exclusif, de la sollicitude ministérielle depuis 1834 ?

Ses misères, étalées enfin à tous les yeux, sont l’objet des méditations approfondies de la législature ; les questions irlandaises absorbent les deux tiers de son temps, et des enquêtes consciencieuses se poursuivent sur tous les intérêts qui touchent à son repos et à sa prospérité. Un plan d’éducation nationale s’élabore ; la loi des pauvres vient, dans la dernière session, d’être étendue à l’Irlande ; et, quelles que puissent être en ce pays les difficultés très sérieuses de son application, elle aura du moins pour effet, on doit l’espérer, d’épargner désormais au monde chrétien l’horrible spectacle de populations succombant à la faim sous l’impassible regard de grands propriétaires dont la propriété reste libre de toute taxe au sein de la misère publique. Sans toucher à sa fortune, le bill de 1834 a notablement diminué pour l’avenir le personnel de l’église établie ; et la population catholique s’est trouvée délivrée de l’impôt qui pesait le plus à sa haine, celui qu’elle était contrainte d’acquitter pour l’entretien des édifices consacrés au culte protestant, là même où il n’existait aucun membre de cette communion, contribution effroyable qui maintenait comme des monumens de servitude ces temples insolens et vides en face de chapelles pleines de peuple et couvertes de chaume !

Du reste, les questions irlandaises sont tellement spéciales par leur nature, que nous ne pouvons songer à les traiter ici ; c’est matière à étudier à part, et jusqu’à présent nous n’avons envisagé l’Irlande que relativement à son action sur les destinées de l’Angleterre, action grande dans le passé, plus grande peut-être dans l’avenir, et qui, par les dangers qu’elle suscite et qu’elle prépare, se présente, vis-à-vis de la Grande-Bretagne, avec une sorte de caractère expiatoire et fatal.