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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

quêtes où des principes se trouvaient directement engagés. C’est ainsi que des propositions pour le vote au scrutin secret, pour la réforme de la pairie, la suppression du banc des évêques, le partage égal en cas de mort ab intestat, ont été repoussées par la majorité des communes, pendant que la plupart des bills pour la réforme des églises d’Angleterre et d’Irlande, ceux relatifs à l’admission des dissidens au sein des universités, à l’émancipation des juifs[1], aux cours locales, etc., bills passés aux communes, et pour la plupart itérativement reproduits par elles, sont tombés devant l’impassible veto des lords..

Néanmoins la Grande-Bretagne a, depuis six années, fait subir à l’ensemble de ses lois plus de changemens que pendant le cours de deux siècles. Elle a vu s’élever et grandir dans son sein, sous le titre d’école libérale, une opinion qui professe les principes français en matière de législation civile et d’administration publique ; et ces principes ont reçu, dans la nouvelle organisation municipale, dans les réformes judiciaires et les nouvelles lois des pauvres, une éclatante sanction parlementaire. D’un autre côté, des projets conçus dans l’esprit de centralisation et d’égalité menacent les antiques juridictions, et les influences territoriales ; et déjà, au désespoir de la magistrature et du barreau, ces doctrines ont été appliquées au droit criminel en même temps qu’elles ont porté quelque lumière dans le chaos du droit coutumier ; enfin, l’édifice aristocratique est ébranlé dans sa pierre angulaire, l’anglicanisme, par les catholiques et les dissidens : ceux-ci l’attaquant avec fracas, ceux-là s’élevant en silence, sur ses ruines ; situation critique dont les résultats, pour n’être pas imminens, n’en sont pas moins assurés dans un avenir que la prudence peut rendre long, que la témérité rendrait court autant que terrible ; irrésistible courant qui entraînera le parti conservateur lui-même, soit qu’il s’y laisse aller pour garder le pouvoir, soit qu’il se brise dans une résistance désespérée.

Lorsque ce parti, réduit, immédiatement après la réforme, à cent cinquante membres environ, dans la chambre des communes, eut doublé aux élections de 1835, pour conquérir presque une majorité à celles de 1837, il dut être évident qu’appuyé sur une telle force, dans le parlement et dans le pays, il ne laisserait passer désormais aucune mesure aussi décisive que celles de 1829 et de 1832, à moins d’avoir de nouveau la main forcée par le soulèvement de l’Irlande ou celui des populations ouvrières.

  1. Les incapacités qui affectent les juifs n’ont été levées ni par le bill d’émancipation ni par aucune mesure postérieure.