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POÈTES ET CRITIQUES LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

perron. En effet, Duperron aussi, poète d’une école finissante (de celle de Desportes), eut le mérite et la générosité d’apprécier le chef naissant d’une école nouvelle, et, le premier, il introduisit Malherbe près de Henri IV. Bayle a appelé Duperron le procureur-général du Parnasse de son temps, comme qui dirait aujourd’hui le maître des cérémonies de la littérature. Fontanes, dont on a dit quelque chose de pareil, lui ressemblait par son vif amour pour ce qu’on appelait encore les lettres, par sa bienveillance active qui le faisait promoteur des jeunes talens. C’est ainsi qu’il distingua avec bonheur et produisit la précocité brillante de M. Villemain. M. Guizot lui-même, qui commençait gravement à percer, lui dut sa première chaire[1]. Duperron, comme Fontanes, était, en son temps, un oracle souvent cité, un poète rare et plus regretté que lu ; après avoir brillé par des essais trop épars, lui aussi il parut à un certain moment quitter la poésie pour les hautes dignités et la représentation officielle du goût à la cour. Il est vrai que Fontanes, grand-maître, n’écrivit pas de gros traités sur l’Eucharistie, et qu’il lui manque, pour plus de rapport avec Duperron, d’avoir été cardinal comme l’abbé Maury. Celui-ci même semble s’être véritablement chargé de certains contrastes beaucoup moins dignes de ressemblance. Pourtant il y a cela encore entre l’hôte de Bagnolet et celui de Courbevoie, que la légèreté profane et connue de quelques-uns de leurs vers ne nuisit point à la chaleur de leurs manifestations chrétiennes et catholiques. Le cardinal Duperron avait, dans sa jeunesse, écrit de tendres vers, tels que ceux-ci, à une infidèle :

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M’appeler son triomphe et sa gloire mortelle,
Et tant d’autres doux noms choisis pour m’obliger,
Indignes de sortir d’un courage[2] fidèle,
Où, si soudain après, l’oubli s’est vu loger !
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Tu ne me verras plus baigner mon œil de larmes
Pour avoir éprouvé le feu de tes regards ;
Le temps contre tes traits me donnera des armes,
Et l’absence et l’oubli reboucheront tes dards.
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Adieu, fertile esprit, source de mes complaintes,

  1. C’est ainsi encore qu’il poussa très vivement, par un article au Journal de l’Empire (8 janvier 1806), et par ses éloges en tout lieu, au succès du début tout-à-fait distingué de M. Molé.
  2. Courage, cœur.