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REVUE DES DEUX MONDES.

Diane sous ces abris
Dérobe son front modeste
Un doux baiser t’est surpris,
Les bois m’ont caché le reste.

Pan, et la Terre, et Sylvain,
En ont pu voir davantage ;
Jamais ne s’égare en vain
Une nymphe de ton âge ;
Les zéphirs ont murmuré,
Philomèle a soupiré
Sa chanson mélodieuse ;
Le ciel est plus azuré,
Vénus est plus radieuse.

Nymphe aimable, ah ! ne crains pas
Que mon indiscrète lyre
Ose flétrir tes appas
En publiant ton délire ;
J’aimai : j’excuse l’amour ;
Pars sans bruit : qu’à ton retour
Nul écho ne te décèle,
Et que jusqu’au dernier jour
Ton amant te soit fidèle !

Si, perfide à ses sermens,
Hélas ! il devient volage,
Du cœur je sais les tourmens,
Et ma lyre les soulage ;
Je chanterai dans ces lieux :
Des pleurs mouilleront tes yeux
Au souvenir du parjure,
Mais ces pleurs délicieux
D’amour calment la blessure.


Dans cette adorable pièce, comme le rhythme sert bien l’intention, et tout à la fois exprime le malin, le tendre et le mélancolique ! Comme cette strophe de neuf vers déjoue à temps et dérobe vers la fin la majesté de la strophe de dix, et la piquant, l’excitant d’une rime redoublée, la tourne soudain et l’incline d’une chute aimable à la grace ! Fontanes sentait tout le prix du rhythme ; il le variait curieusement, il l’inventait. Dans la touchante pièce intitulée : Mon Anniversaire[1], il fait une strophe exprès conforme à la marche

  1. L’idée en est prise d’une épigramme d’Archias de Mitylène, mais combien embellie !