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REVUE DES DEUX MONDES.

Dans le premier numéro du Mercure régénéré parut son premier extrait contre le livre de la Littérature : on vient de voir sa disposition de longue date envers l’auteur. J’ai moi-même analysé en détail et apprécié, dans un travail sur Mme de Staël[1], cette polémique de Fontanes. Ne voulant pas imiter un estimable, et du reste excellent, biographe, qui, dans la Vie de Fénelon, est pour Fénelon contre Bossuet, et qui, dans la Vie de Bossuet, passe à celui-ci contre Fénelon, je n’ai rien à redire ni à modifier. Seulement, tout ce qui précède explique mieux, de la part de Fontanes, cette spirituelle et éclatante malice de 1800 ; en étendant le tort sur un plus grand espace, je l’allége d’autant en ce point-là. Qu’y faire d’ailleurs ? On relira toujours, en les blâmant, les deux articles de Fontanes contre Mme de Staël, comme on relit les deux petites lettres de Racine contre Port-Royal : et Racine a de plus contre lui ce que M. de Fontanes n’a pas, l’ingratitude.

Dès la fin de son premier extrait sur le livre de Mme de Staël, Fontanes y opposait et citait quelques fragmens du Génie du Christianisme, non encore publié, que son ami lui avait adressés de Londres. M. de Châteaubriand arrivait lui-même en France au mois de mai 1800, et s’apprêta à publier. Fontanes, dont les conseils retardèrent l’apparition de tout l’ouvrage et déterminèrent le courageux auteur à une entière retouche, soutint de son présage heureux l’avant-courrière Atala[2] ; il appuya surtout, par deux extraits[3], le Génie du Christianisme qui se lançait enfin : son suffrage frappait juste plutôt que fort, comme il convient à un ami. La critique, en une main habile et puissante, à ce moment décisif de la sortie, est comme ce dieu Portunus des anciens, qui poussait le vaisseau hors du port :

Et pater ipse manu magnâ Portunus euntcm
Impulit

On a relu depuis long-temps les articles de Fontanes, recueillis à la suite du Génie du Christianisme : pareils encore à ces barques de pilote, qui, après avoir guidé le grand vaisseau à la sortie périlleuse, sont ensuite repris à son bord et traversent par lui l’Océan.

Je trouve quelques renseignemens bien précis sur ce moment littéraire décisif où parut le Génie du Christianisme. L’attention pu-

  1. Voir Critiques et Portraits, tom. III, pag. 296-302.
  2. Mercure, germinal an IX.
  3. Mercure, floréal et fructidor an X.