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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

Anastase, et cette nouvelle dignité lui donna dans les affaires civiles le même pouvoir qu’il avait déjà dans les affaires de la guerre ; il devint empereur de fait pour les Gaulois, protecteur et chef de tous les citoyens romains établis dans la Gaule, lieutenant et soldat de l’empire contre les Goths et les Burgondes. — Vers l’année 540, ses deux fils Childebert et Clotaire, et Théodebert, son petit-fils, obtinrent, par une cession authentique de l’empereur Justinien, la pleine souveraineté de toutes les Gaules[1]. »

Cette fameuse cession qui, en réalité, ne s’étendit qu’au territoire méridional déjà cédé par les Ostrogoths, forme le couronnement de l’édifice fantastique élevé par l’abbé Dubos. Arrivé là, l’auteur met fin au récit, et ne s’occupe plus que des conclusions qui sont l’objet de son dernier livre, le plus curieux, parce qu’il donne le sens, et, pour ainsi dire, le mot de tout l’ouvrage. Dans ce dernier livre, qui est un tableau général de l’état des Gaules durant le VIe siècle et les trois siècles suivans, se trouvent mises en lumière, avec assez d’art, les questions résolues ou tranchées par le nouveau système. C’est là que sont réunies et groupées, de manière à se fortifier mutuellement, toutes les propositions ayant une portée politique, et entre autres celles-ci : « Que le gouvernement des rois de la première et de la seconde race, continuation de celui des empereurs, fut une monarchie pure et non une aristocratie ; que, sous ce gouvernement, les Gaulois conservèrent le droit romain et la pleine possession de leur ancien état social ; que chaque cité des Gaules conserva son sénat municipal, sa milice et le droit d’administration dans ses propres affaires ; que les Francs et les Gallo-Romains vivaient, avec des lois différentes, sur un pied d’égalité ; qu’ils étaient également admis à tous les emplois publics et soumis à tous les impôts[2]. »

Le temps et le progrès des idées historiques ont opéré le partage de ce qu’il y a d’excessif ou de légitime, d’absurde ou de probable dans les inductions et les conjectures de l’antagoniste du comte de Boulainvillers. La fable d’un envahissement sans conquête et l’hypothèse d’une royauté gallo-franke, parfaitement ressemblante, d’un côté au pouvoir impérial des Césars, et de l’autre à la royauté des temps modernes, tout cela a péri ; mais le travail fait par l’écrivain, pour trouver des preuves à l’appui de ses vues systématiques, a frayé

  1. Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules liv. ii, III, IV et V.
  2. Ibid., liv. VI, chap. i, II, VIII, IX, X, XI, XIV et XVI.