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fondée sur le voisinage et un intérêt commun. Il profita, ou plutôt il abusa des moindres indications favorables à sa thèse, des moindres traits épars chez les historiens, les géographes, les poètes et les panégyristes, torturant les textes, traduisant faux, interprétant à sa guise, et conservant, dans ses plus grands écarts, quelque chose de contenu, de patient, de finement persuasif qui tenait, en lui, du caractère et des habitudes diplomatiques. Il parvint ainsi à former une démonstration invincible en apparence, à enlacer le lecteur dans un réseau de preuves, toutes fort légères, mais dont la multiplicité étonne l’esprit et ne lui permet plus de se reconnaître. Raisonnant comme si les relations de l’empire romain avec un peuple barbare avaient dû ressembler à celles qu’entretiennent les puissances de l’Europe moderne, il fait planer au-dessus de l’histoire réelle du Ve et du VIe siècle, une histoire imaginaire toute remplie de traités et de négociations entre les Franks, l’empire et une prétendue république des provinces armoricaines. Voici quelle série de faits, pour la plupart donnés par l’hypothèse ou par la conjecture, occupe, dans son livre, l’espace de temps compris entre la fin du IIIe siècle et le règne de l’empereur Justinien.

« L’époque de l’établissement des Francs sur les bords du Rhin est celle du premier et du principal traité d’alliance entre ce peuple et les Romains. Dès-lors les deux nations furent unies par une amitié constante, à peu près de la même manière que la France et la Suisse, depuis le règne de Louis XI. — Les Romains ne déclarèrent jamais la guerre à toute la nation des Francs, et la masse de celle-ci prit souvent les armes en faveur de l’empire contre celle de ses propres tribus qui violait la paix jurée. — Il était de l’intérêt des Romains d’être constamment alliés des Francs, parce que ces derniers mettaient la frontière de l’empire à couvert de l’invasion des autres Barbares ; c’est pour cela qu’à Rome on comblait d’honneurs et de dignités les chefs de la nation franque. — Les anciens traités d’alliance furent renouvelés au commencement du Ve siècle par Stilicon au nom de l’empereur Honorius, vers 450, par Aétius, au nom de Valentinien III, et vers 460, par Aegidius, pour les Gallo-Romains, alors séparés de l’Italie, à cause de leur aversion contre la tyrannie de Ricimer. — Childéric, roi des Francs, reçut de l’empereur Anthémius le titre et l’autorité de maître de la milice des Gaules ; son fils Clovis obtint la même faveur après son avènement, et il cumula cette dignité romaine avec le titre de roi de sa nation. — En l’année 509, il fut fait consul par l’empereur