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lambeaux disparates des historiens latins et des chroniqueurs du moyen-âge, il y a, chose singulière, un air de vie et un mouvement d’inspiration. L’amour enthousiaste du gouvernement par assemblées, espèce de révélation d’un temps à venir, s’y montre à toutes les pages. Il éclate dans certaines expressions, telles que le nom de saint et sacré, que l’auteur donne au pouvoir de ce grand conseil national qu’il voit sans cesse dominant toutes les institutions de la Gaule franke et de la France proprement dite[1]. Le livre de François Hotman eut un succès immense, et son action fut grande sur les hommes de son siècle qu’agitait le besoin de nouveautés religieuses et politiques ; elle survécut à la génération contemporaine des guerres civiles et se prolongea même durant le calme du règne de Louis XIV. Ce bizarre et fabuleux exposé de l’ancien droit public du royaume devint alors la pâture secrète des libres penseurs, des consciences délicates, et des imaginations chagrines plus frappées, dans le présent, du mal que du bien. Au commencement du XVIIIe siècle, sa réputation durait encore ; les uns l’aimaient, les autres le déclaraient un livre pernicieux ; mais les grandes controverses qu’il avait soulevées cent vingt-cinq ans auparavant, éloignées de l’opinion des masses, ne remuaient plus en sens contraire que quelques esprits d’élite[2].

Les premiers essais d’une érudition impartiale, mais plus habile à déchiffrer la lettre des textes qu’à en exprimer le vrai sens historique, et des histoires narratives tout-à-fait nulles pour la science, remplissent l’intervalle qui sépare François Hotman d’Adrien de Valois. Ce fut en l’année 1646, que ce savant historien publia, sous le titre de Gestes des anciens Franks, le premier des trois volumes in-folio qui forment son œuvre capitale ; les deux autres, complétant l’histoire de la dynastie mérovingienne, parurent en 1658[3]. Selon le projet et les espérances de l’auteur, ces volumes ne devaient être que le commencement d’une gigantesque histoire de France, rassemblant dans un même corps d’annales écrites en latin, d’un style châtié, tous les récits et toutes les informations dignes de foi ; mais, après avoir parcouru l’espace de cinq siècles, depuis le règne de l’empereur Valérien jusqu’à l’avénement de la seconde race, il se sentit découragé par

  1. De sacro sanctâ publici concilii auctoritate. (Franco-Gallia, cap. ii et passim.)
  2. Voyez Bayle, Dictionnaire historique.
  3. Adriani Valesii, Gesta veterum Francorum, sive rerum francicarum usque ad Chlotarii senioris mortem, libri VIII. — Rerum Francicarum a Chlotarii senioris morte ad Chlotarii junioris monarchiam, tomus II. — Rerum Francicarum a Chlotarii minoris monarchiâ ad Childerici destitutionem, tomus III.