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tère n’a pas sa confiance, sans même dire pourquoi. Toutes les accusations sont bonnes quand il s’agit de fonds secrets, et là encore les partis pourront voter, sans immoralité, d’une même manière, sur la question ministérielle, en traitant le cabinet de servile, d’incapable et de corrupteur ; accusations banales, et de tous les temps à l’usage de ceux qui n’en ont pas de réelles à faire.

Pour le ministère, à notre sens, la réponse sur ce dernier point serait bien facile. Dans la dernière session, il a demandé une diminution de 500,000 fr. sur les fonds secrets. Qu’il propose, cette année, non pas une diminution semblable, mais une réduction plus grande encore. Le ministère du 15 avril a déjà beaucoup fait pour le pays ; les désordres matériels ont disparu sous son administration, le règne des assassinats est déjà loin de nous, grace à Dieu ; et ce n’est plus que par la voie de la presse que s’exhale la violence des partis, à peine contenue par les lois de septembre. Son système conciliant, et la nature de sa politique, ont déjà exercé une assez grande influence sur l’esprit public, pour lui permettre d’assurer l’ordre et de veiller à la sécurité des jours du roi, sans ce grand déploiement de moyens qui ont été nécessaires jusqu’à présent. Si un ministère peut supporter sans inconvénient une notable réduction des fonds secrets, c’est assurément celui du 15 avril. Nous n’espérons pas que cette réduction mette un terme aux attaques calomnieuses et aux indignités dont le gouvernement a toujours été l’objet ; nais ces attaques n’auront plus d’excuse aux yeux des hommes impartiaux, et c’est déjà beaucoup. En prenant l’initiative de cette réduction, que nul cabinet ne subirait sans se retirer s’il la trouvait inopportune, le ministère s’assurera une fois du moins, nous l’espérons, l’approbation des doctrinaires, à qui il léguera, le cas échéant, la moralité qu’ils réclament à grands cris. Peut-être la trouveront-ils un peu nue ? Mais une morale aussi austère que celle qu’ils ont toujours montrée quand ils étaient au pouvoir, sait triompher par la seule influence de sa pureté, et les fonds secrets ne pourraient que la ternir !

Voilà sur quels points l’opposition d’extrême gauche, de gauche et des doctrinaires, peut voter en commun. Mais sur la réforme électorale, sur l’intervention, sur l’abolition des lois de septembre, chacun de ces partis a les mains liées, pour peu qu’il tienne, comme il le dit, à obéir à la voix de la morale. Sur tous ces points, les doctrinaires, interrogés par nous, ont dit non. Or, si leurs principes s’opposent à ce qu’ils donnent les mains à ces changemens politiques, ces principes les contraindront aussi de voter dans le sens du gouvernement quand il s’agira de ces questions. Les boules n’ont pas trois couleurs, disent les doctrinaires. Nous compterons donc les boules ; et nous verrons bien ce que pèsent, dans l’urne du scrutin, les principes de ce parti.

Les doctrinaires ne nient pas l’existence de la coalition, comme fait l’organe du tiers-parti ; ils ne disent pas qu’elle est imaginaire ; seulement ils déclarent qu’ils resteront doctrinaires au milieu de cette armée de républicains, de légitimistes, de réformateurs, d’interventionnistes dont ils font partie, ajoutant fièrement que la seule opposition qui fasse ombrage au gouverne-