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rait plus moral que l’opposition d’extrême gauche, le centre gauche et les doctrinaires, votassent d’une manière différente sur la question ministérielle ? L’opposition du centre gauche nous permettra-t-elle de lui demander, bien humblement, ce qu’elle entend par la question ministérielle ? La chambre ne décide jamais que d’une manière complexe sur cette question : le ministère est-il bon ou mauvais ? faut-il le maintenir ou en prendre un autre ? Cette question se compose de plusieurs questions, et une affaire aussi importante qu’un changement de ministère ne se traite pas aussi lestement, Dieu merci, dans la chambre que dans l’opposition de la presse. Il y a des usages, des formes constitutionnelles ; et la coalition qui travaille, dit-elle, au rétablissement du gouvernement représentatif, n’a pas dessein, sans doute, de s’affranchir de ces principes. Or donc, ce qu’elle nomme la question ministérielle se débat, elle le sait comme nous, de la manière suivante.

La première des questions dont se compose la grande question du changement d’un cabinet, c’est le choix d’un président de la chambre. Que les doctrinaires fassent nommer M. Guizot, comme l’a proposé la gauche, qui votera, sans doute, pour lui, quoique la coalition soit imaginaire. M. Guizot nommé, la question ministérielle sera jugée. Les doctrinaires auront le pouvoir ; car nous ne croyons pas à la possibilité de cette niaise combinaison qui faisait proposer, par la gauche, à M. Guizot la présidence de la chambre, pour le dédommager du pouvoir que la gauche prendrait pour elle-même. Les doctrinaires ont déjà prouvé à la gauche qu’ils savent prendre le pouvoir, quand on le met à leur portée, et le ministère serait bien à eux si M. Guizot se saisissait de la présidence de la chambre. Dès ce moment aussi, le gouvernement représentatif se trouvera rétabli dans toute sa pureté par le parti qui a créé le système d’intimidation auquel le ministère du 15 avril a mis fin par l’amnistie. Le système de politique extérieure sera le même ; mais le système de politique intérieure sera plus à droite, et inclinera vers les lois retirées au mois d’avril, avec tout ce qui s’y rattache ; car les doctrinaires ont tonné trop haut contre les apostasies pour qu’il soit permis de les soupçonner d’être eux-mêmes des apostats !

Si la présidence de la chambre se trouvait dévolue à M. Odilon Barrot, que le Constitutionnel a présenté comme son candidat, en vertu de cette alliance, qui n’est pas une coalition, la France aurait à célébrer l’avénement du parti de la propagande, et cet avénement se célébrerait, sans doute, à coups de canon. En effet, nous ne croyons pas, comme le disait un jour M. Barrot dans un moment d’expansion peu constitutionnelle, que le juste-milieu serait seulement placé un peu plus à gauche qu’il ne l’est. La gauche ne s’est pas calmée, ce nous semble, depuis ce jour-là, et il suffit d’écouter ses paroles pour savoir quel est son programme, qui vient de se renforcer du suffrage universel. Nous doutons qu’il trouve beaucoup d’assentiment dans le pays.

Si la coalition ne trouve pas moyen de s’entendre sur ces questions de personnes, si la haute réputation d’impartialité et d’intégrité politique de M. Du-