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vres du jour, il se borne, lui, pour toute ambition, au rôle de Silius, à celui de Stace disant à sa muse :

 …… Nec tu divinam Æneïda tenta,
Sed longè sequere, et vestigia semper adora !

De Virgile, ainsi, dans Rome,
Quand le goût s’était perdu,
Silius à ce grand homme
Offrait un culte assidu ;
Sans cesse il nommait Virgile ;
Il venait, loin de la ville,
Sur sa tombe le prier ;
Trop faible, hélas ! pour le suivre,
Du moins il faisait revivre
Ses honneurs et son laurier.

Et il avait autrement droit de se rendre ce témoignage, et de se dire ainsi l’adorateur domestique de Racine, que Silius pour Virgile.

Mais rien n’est tout-à-fait simple dans la nature des choses, et il ne faut pas, en tirant du personnage l’idée essentielle, ne voir en lui que cette idée. Dernier parent de Racine, et adorateur du XVIIe siècle, M. de Fontanes est pourtant du sien ; il en est par les genres qu’il accepte, par ceux même qu’il veut renouveler ; il en est par certaines teintes philosophiques et sentimentales qui font mélange à l’inspiration religieuse, par certaines faiblesses et langueurs de son style poétique élégant ; mais, hâtons-nous d’ajouter, il en est surtout par le goût rapide, par le ton juste, par l’expression nette et simple, par tout ce que le XVIIIe siècle avait conservé de plus direct du XVIIe, et que Voltaire y avait transmis en l’aiguisant. De plus, M. de Fontanes n’était pas étranger au nôtre. Contraire aux nouveautés ambitieuses, il ne résistait pourtant pas à celles qui s’appuyaient de quelque titre légitime, de quelque juste accord dans le passé. Sur quelques-uns de ces points d’innovation, il devient lui-même la transition et la nuance d’intervalle, comme il convient à un esprit si modéré. Par ses pièces élégiaques et religieuses, par la Chartreuse et le tour des Morts, il devançait de plus de trente ans et tentait le premier dans les vers français le genre d’harmonieuse rêverie ; il semblait donner la note intermédiaire entre les chœurs d’Esther et les premières Méditations. Mais surtout, à cette époque critique de 1800, par son amitié, par sa sympathique et active alliance avec M. de Châteaubriand, il entrait dans la meilleure part du nouveau siècle ; il s’y