Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/579

Cette page a été validée par deux contributeurs.
575
REVUE. — CHRONIQUE.

très exact, comme on l’a dit, que l’insertion dans le Moniteur d’un article contre le préfet de la Corse, et d’un passage du journal la France dirigé contre le gouvernement, a dû attirer l’attention du ministère sur la rédaction de la feuille officielle, et le faire penser à se garantir de pareilles erreurs. Le fait est positif, et nous en garantissons l’exactitude. D’où vient donc l’humeur du journal en question ? Ne serait-ce pas de ce que le fondateur de ce journal avait proposé au gouvernement de lui accorder l’entreprise du Moniteur, dont il voulait faire un journal à meilleur marché que le journal à bon marché dont il est l’inventeur ? Toute mutation qui dérangerait ce projet lui semblerait-elle fâcheuse ? Mais quel ministère pourrait consentir à laisser faire du journal officiel une spéculation mercantile, et une association par commandite ? Ces sortes d’entreprises ont des chances étranges : voyez plutôt celle de Saint-Bérain.



LETTRES SUR LA SITUATION EXTÉRIEURE.
ix.
Monsieur,

Si les journaux du parti exalté en Espagne et leurs fidèles échos en France n’avaient donné une grande importance à la brochure que vient de publier à Madrid M. de Campuzano, comte de Rechen, j’aurais fort hésité, je vous l’assure, à vous entretenir de la Vérité adressée aux cortès, par l’ex-ambassadeur de la révolution de la Granja. En apprenant que M. de Campuzano avait attaché son nom à quelques pages prétendues politiques, j’avais pensé que, si l’œuvre était de lui, elle ne valait rien, et que, si elle avait la moindre valeur, il n’y était que pour le titre ; car M. de Campuzano est en possession d’une réputation de nullité trop bien établie pour qu’on puisse raisonnablement attendre de sa plume et de son intelligence autre chose que les lieux communs les plus insignifians, et les déclamations les plus banales, dépourvues même de ce faible mérite de la forme que possède souvent le dernier journaliste. Aussi étais-je bien sûr de chercher vainement dans la Vérité adressée aux cortès, malgré les fastueuses promesses du titre, ces révélations d’hommes d’état que condamne la sévérité de la morale et que la curiosité publique absout, ces grandes et vives lumières qui jaillissent des mémoires, des correspondances que nous ont laissés les maîtres de la politique, les négociateurs des plus importans traités, les chefs des nations dans leurs crises les plus graves. C’est quelque chose, assurément, que d’avoir représenté l’Espagne à Paris pendant une année, et on est tenté de se croire quelqu’un, comme on le disait de Napoléon dans certaine coterie, quand on a reçu et fait des dépêches, passé des notes, vu M. de Metternich face à face et obtenu du roi Louis-Philippe des audiences particulières, dont je regrette bien, par parenthèse, que M. de Campuzano ne nous ait pas donné la fidèle relation, qui serait fort curieuse. Mais où lord Byron rêve un poème et le Poussin un ravissant tableau, le voyageur ordinaire note sur ses tablettes