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DES THÉORIES ET DES AFFAIRES EN POLITIQUE.

se distingue du gouvernement absolu et n’évite ses dangers que par cette mobilité même des forces sociales, à laquelle les rouages de la constitution ouvrent une issue prévue et facile.

Au fond, entre nos adversaires et nous, il n’y a qu’une question, mais elle est considérable, celle de l’intelligence même de notre époque, de notre siècle. Avons-nous tort depuis bientôt trois ans ? La Revue s’est-elle égarée en entrant dans un mouvement pratique, en appuyant le centre gauche arrivant aux affaires, en signalant l’administration de M. Thiers comme une ère nouvelle, en tirant, comme elle l’a fait, dans une récapitulation politique intitulée Six Ans, une ligne de démarcation entre le passé et le présent ? Quand une conviction souveraine détermina M. Thiers à quitter la présidence, nous sommes restés dans la ligne que nous avions adoptée. Nous avons combattu partiellement l’administration du 6 septembre, parce que nous y avons reconnu l’élément doctrinaire en forte dose ; nous avons soutenu le ministère du 15 avril, parce que nous avons vu dans son avénement une amélioration sensible, un retour aux affaires d’un élément centre gauche ; nous avons apprécié la situation, en caractérisant l’esprit et la portée de l’amnistie, et nous avons suivi avec persévérance une marche adoptée avec franchise. Les faits sont écrits, patens, connus de tous ; ils ne sont pas fabriqués, comme on dit au palais, pour le besoin de la cause, et le public, qui juge nos travaux, ne les a pas oubliés : il sait comment, dans nos études politiques, nous avons toujours demandé à des faits attentivement observés des déductions et des conséquences naturelles.

La politique est évidemment la principale pensée de notre siècle ; tout en dépend, tout y aboutit, mais à quelle condition soutiendra-t-elle un si grand rôle ? Apparemment pour suffire au siècle, pour lui répondre dans ses exigences, pour le suivre dans ses transformations, force sera bien à la politique de se montrer, comme le siècle même, inépuisable et féconde. La belle perspective et le noble but de condamner la politique à n’être jamais que la parodie de mouvemens connus et la redite de déclamations vieillies ! À ce compte, elle deviendrait le plus insipide des métiers, et pas une force un peu vive ne voudrait s’y mêler et y descendre. Mais il n’en est point ainsi : la politique est digne de tous les efforts et de tous les sacrifices, parce qu’une fois comprise et acceptée dans son étendue et dans sa grandeur, elle satisfait complètement les facultés qui se prodiguent à elle. Un des plus illustres disciples de Confucius, et qui avait passé lui même par les affaires de l’empire, disait que la politique avait trois