Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/531

Cette page a été validée par deux contributeurs.
527
DU VANDALISME.

Dieu. Ainsi, nous défendons qu’on joue dans l’église sur ces instrumens des chants lascifs ; nous ne permettons que des sons doux, dont la mélodie ne représente que de saintes hymnes et des cantiques spirituels. » Le second est de l’archevêque François de Harlay, article 32 des statuts du synode de 1674. « Nous défendons expressément d’introduire dans les églises et chapelles des musiques profanes et séculières, avec des modulations vives et sautillantes ; de jouer sur les orgues des chansons ou autres airs indignes de la modestie et de la gravité du chant ecclésiastique… Enfin, nous défendons d’envoyer ou d’afficher des programmes pour inviter les fidèles à des musiques dans les églises, comme à des pièces de théâtre ou à des spectacles. »

Pour pardonner tout ce qu’on fait et tout ce qui se laisse faire dans les églises, il faut se souvenir qu’on se borne à suivre la route tracée par la plupart de nos savans et de nos artistes attitrés, dont tout le génie consiste à mépriser et à ignorer l’art chrétien ; il faut se souvenir que l’un des architectes les plus renommés de la capitale, et qui postule aujourd’hui une importante restauration gothique, qualifie l’architecture du moyen-âge d’architecture à chauve-souris, et qu’une des lumières de l’Académie des Beaux-Arts déplore partout l’appui donné par le gouvernement à la seule tendance qu’il importe de décourager.

Je ne puis terminer cette invective sans faire une rétractation exigée par la justice. J’ai dit naguère dans ce recueil[1], que partout, excepté en France, les monumens d’art ancien étaient respectés, et j’ai nommé la Belgique parmi les pays qui lui donnaient cette salutaire leçon. Après avoir pris une connaissance plus approfondie des faits, je suis obligé de dire qu’il n’en est rien, et que, si le gouvernement et la législation belge sont plus avancés que les nôtres sous ce rapport, en revanche, les dispositions générales du pays sont plutôt en arrière de celles de la France. Par une contradiction remarquable, la Belgique, qui avait su se garantir plus qu’aucun autre pays, des doctrines gallicanes et philosophiques du XVIIIe siècle, comme l’a démontré son insurrection contre Joseph II, avait cependant subi à un degré incroyable l’influence de l’art dégénéré des époques de Louis XIV et de Louis XV. Je ne sache rien en France de comparable aux gaînes colossales par lesquelles on a trouvé moyen de défigurer la nef de la cathédrale de Malines ; à la façade de Notre-Dame-de-Finistère à Bruxelles, véritable passoire à café flanquée de deux bilboquets ; aux miroirs, aux plâtres et aux marbrures qui déshonorent Saint-Paul et Saint-Jacques à Liége ; à ces autels monstres en marbre noir, inventés exprès pour détruire, comme à Anvers, l’effet de la plus belle église gothique. La Belgique n’a pas encore su se dégager de ces langes grotesques ; et, chez elle, le vandalisme restaurateur marche fièrement à côté du vandalisme destructeur. Ce dernier lui fut apporté par la conquête française, qui fit disparaître presque toutes ses magnifiques abbayes

  1. Revue des Deux Mondes, 15 mars 1833.