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DU VANDALISME.

ces études former un des objets du second comité historique, institué au ministère de l’instruction publique en 1834. Avec le calme revint une sollicitude plus étendue et plus vigoureuse ; on demanda aux chambres et on obtint, quoique avec peine, une somme de 200,000 francs pour subvenir aux premiers besoins de l’entretien des monumens historiques. M. le comte de Montalivet a mis le sceau à cette heureuse réaction en créant, le 29 septembre 1837, une commission spécialement chargée de veiller à la conservation des anciens monumens, et de répartir entre eux la modique allocation portée au budget sous ce titre. De son côté, M. de Salvandy, étendant et complétant l’œuvre de M. Guizot, a créé ce comité historique des arts et monumens que le rapport de M. de Gasparin a fait connaître au public, et qui, sous l’active et zélée direction de cet ancien ministre, s’occupe avec ardeur de la reproduction de nos chefs-d’œuvre, en même temps qu’il dénonce à l’opinion les actes de vandalisme qui parviennent à sa connaissance. Enfin, M. le garde-des-sceaux, en sa qualité de ministre des cultes, a publié une excellente circulaire sur les mesures à suivre pour la restauration des édifices religieux, circulaire à laquelle il ne manquera que d’être suffisamment connue et répandue dans le clergé. Il faut espérer maintenant que la chambre des députés renoncera à la parcimonie mesquine qui a jusqu’à présent présidé à ses votes en faveur de l’art, et qu’elle suivra l’impulsion donnée par le pouvoir.

Il y a là, avouons-le, un contraste heureux et remarquable avec ce qui se passait sous la restauration. Loin de moi la pensée d’élever des récriminations inutiles contre un régime qui a si cruellement expié ses fautes, et à qui nous devons, après tout, et nos habitudes constitutionnelles et la plupart de nos libertés ; mais, en bonne justice, il est impossible de ne pas signaler une différence si honorable pour notre époque et notre nouveau gouvernement. Chose étrange ! la restauration, à qui son nom seul semblait imposer la mission spéciale de réparer et de conserver les monumens du passé, a été tout au contraire une époque de destruction sans limites, et il n’a fallu rien moins qu’un changement de dynastie pour qu’on s’aperçût dans les régions du pouvoir qu’il y avait quelque chose à faire, au nom du gouvernement, pour sauver l’histoire et l’art national. Sous l’empire, le ministre de l’intérieur, par une circulaire du 4 juin 1810, fit demander à tous les préfets des renseignemens sur les anciens châteaux et les anciennes abbayes de l’empire. J’ai vu des copies de plusieurs mémoires fournis en exécution de cet ordre ; ils sont pleins de détails curieux sur l’état de ces monumens à cette époque, et il doit en exister un grand nombre au bureau de statistique. Sous la restauration, M. Siméon étant ministre de l’intérieur, adopta une mesure semblable, mais on ne voit pas qu’elle ait produit des résultats. Le déplorable système d’insouciance qui a régné jusqu’en 1830, se résume tout entier dans cette ordonnance, qu’on ne pourra jamais assez regretter, par laquelle le magnifique dépôt des monumens historiques formé aux Petits-Augustins fut détruit et dispersé, sous prétexte de restitution à des propriétaires qui n’existaient plus, ou qui ne savaient que