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MARGOT.

poussait ensuite un des battans de la fenêtre, de manière à n’être vue que de Gaston, puis elle posait son miroir sur une petite table, et commençait à peigner ses beaux cheveux. Elle ne savait pas qu’une vraie coquette se montre quand elle est parée, mais ne se laisse pas voir pendant qu’elle se pare ; comme Gaston se coiffait devant elle, elle se coiffait devant lui. Masquée par son miroir, elle hasardait de timides coups d’œil, prête à baisser les yeux si Gaston la regardait. Quand ses cheveux étaient bien peignés et retroussés, elle posait sur sa tête son petit bonnet de tulle brodé à la paysanne, qu’elle n’avait pas voulu quitter ; ce petit bonnet était toujours tout blanc, ainsi que le grand collet rabattu qui lui couvrait les épaules et lui donnait un peu l’air d’une nonnette. Elle restait alors les bras nus, en jupon court, attendant son café. Bientôt paraissait Mlle Pélagie, sa femme de chambre, portant un plateau, et escortée du chat du logis, meuble indispensable au Marais, qui ne manquait jamais le matin de rendre ses devoirs à Margot. Il jouissait alors du privilége de s’établir dans une bergère en face d’elle, et de partager son déjeuner. Ce n’était pour elle, comme on pense, qu’un prétexte de coquetterie. Le chat qui était vieux et gâté, roulé en boule dans son fauteuil, recevait fort gravement des baisers qui ne lui étaient pas adressés. Margot l’agaçait, le prenait dans ses bras, le jetait sur son lit, tantôt le caressait, tantôt l’irritait ; depuis dix ans qu’il était de la maison, il ne s’était jamais vu à pareille fête, et il ne s’en trouvait pas précisément satisfait, mais il prenait le tout en patience, étant au fond d’un bon naturel et ayant beaucoup d’amitié pour Margot. Le café pris, elle s’approchait de nouveau de la fenêtre, regardait encore un peu s’il faisait beau temps, puis elle poussait le battant resté ouvert, mais sans le fermer tout-à-fait. Pour qui aurait eu l’instinct du chasseur, c’était alors le temps de se mettre à l’affût. Margot achevait sa toilette, et veux-je dire qu’elle se montrait ? Non pas ; elle mourait de peur d’être vue, et d’envie de se laisser voir. Et Margot était une fille sage ? Oui, sage, honnête et innocente. Et que faisait-elle ? Elle se chaussait, mettait son jupon et sa robe, et de temps en temps, par la fente de la fenêtre, on aurait pu la voir allonger le bras pour prendre une épingle sur la table. Et qu’eût-elle fait si on l’eût guettée ? Elle aurait sur-le-champ fermé sa croisée. Pourquoi donc la laisser entr’ouverte ? Demandez-le-lui, je n’en sais rien.

Les choses en étaient là, lorsqu’un certain jour Mme Doradour et son fils eurent un long entretien tête-à-tête. Il s’établit entre eux un air de mystère, et ils se parlaient souvent à mots couverts. Peu de