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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

Enfin, presque tous les réformateurs éminens faisaient de la corruption constatée la condition préalable du désaffranchissement des bourgs, et M. Pitt était allé jusqu’à proposer d’acheter le privilége de ceux d’entre eux qui consentiraient à le vendre de gré à gré, tant il est vrai que le droit électoral était généralement considéré comme une propriété inviolable, placée au-dessus du contrôle parlementaire ! Tels étaient les antécédens de cette grande question au sein du parti réformiste modéré, lorsqu’en mars 1831 lord John Russel présenta aux communes ce bill fameux, de l’adoption duquel il fit, au nom du cabinet, la condition absolue de son maintien aux affaires.

Il suffira de rappeler sommairement ses dispositions principales pour voir quel chemin venait de faire soudainement l’Angleterre, et à quelles exigences nouvelles il fallait donner satisfaction.

Ce bill reposait sur les bases suivantes, destinées à devenir, avec quelques modifications de détail, après dix-huit mois de luttes et de perplexités, celles du nouveau droit constitutionnel du Royaume-Uni.

Il ôtait la franchise à tous les bourgs ayant moins de deux mille habitans, et n’accordait plus qu’un représentant au lieu de deux à tous ceux d’une population inférieure à quatre mille ames. Le vide ainsi laissé sur les bancs de la chambre était rempli par les députés accordés aux villes non représentées jusqu’alors, et aux principaux comtés, dont la représentation était doublée. Celle de Londres était également portée de huit à seize membres.

Le résultat final du bill, tel qu’il sortit de la discussion en comité au sein des deux chambres, fut d’attribuer soixante-six membres nouveaux à des comtés, soixante-trois à des villes (boroughs) d’Angleterre, huit à des villes d’Écosse, cinq à des villes d’Irlande, et le vote définitif maintint la représentation nationale au même nombre de six cent cinquante-huit députés, en en donnant cinq cents à l’Angleterre, ou un pour vingt-huit mille ames, cinquante-trois à l’Écosse, ou un pour trente-huit mille, cent cinq à l’Irlande, ou un pour soixante-seize mille.

Ces changemens, pour lesquels on avait suivi les proportions de la population et de la richesse combinées, selon le principe français de 89, sans aucun égard pour la prescription historique, étaient graves par eux-mêmes : ajoutons que la nouvelle base donnée au droit électoral ne paraissait pas moins hardie.

Le privilége des corporations était brisé pour l’avenir, et la franchise était accordée dans les villes à tout propriétaire et locataire d’une maison d’un revenu annuel de dix livres sterling.