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force du gouvernement britannique ne gît-elle pas, d’ailleurs, dans la puissante influence territoriale qui domine la société tout entière ? et dès-lors le meilleur mode d’élection n’est-il pas celui qui assure l’harmonie des pouvoirs, leur concours constant vers un but unique, la grandeur et la gloire de l’empire ? Et quelles plaintes si fondées ont les grandes villes manufacturières à élever contre le système actuel ? Quoique privées de la franchise directe, leurs réclamations ont-elles jamais manqué d’organes, et l’opinion de Manchester ne pèse-t-elle pas dans les délibérations parlementaires plus que celles de dix petits bourgs ? D’ailleurs le parlement s’est reconnu, dans tous les temps, le droit de désaffranchissement, lorsque la vénalité était authentiquement constatée ; Penryn et East-Redfort ont ainsi perdu leur privilége électoral ; et ne pourrait-on, dans l’avenir, transférer quelques franchises, ainsi légalement abrogées, à des cités importantes, sans attaquer un système qui se défend par une prescription de deux siècles ?

Les chefs les plus éclairés du parti anti-réformiste ne paraissaient pas repousser absolument une concession limitée de ce genre, et depuis bien long-temps, il faut le reconnaître, l’aristocratie whig n’allait pas, dans ses plans, beaucoup au-delà d’une combinaison analogue. En témoignage de ces dispositions, il suffirait de citer les résolutions proposées en 1819 à la chambre des communes par lord John Russell, résolutions portant en substance que les bourgs, dans lesquels la corruption se serait notoirement exercée, cesseraient d’avoir des représentans, et que leur franchise serait transférée aux plus grands comtés ou à des villes d’une population d’au moins quinze mille ames.

Avant 1830, les organes périodiques de l’opinion whig arrêtaient là leurs espérances, et, même dans un travail remarquable, publié en 1820, l’Edinburgh Review établissait que le seul plan de réforme sage et exécutable serait celui qui ajouterait une vingtaine de membres à la représentation nationale, dans l’intérêt des grandes cités industrielles, en respectant les droits acquis[1]. Le mal venait beaucoup moins, disait-on à cette époque, de ce que le droit électoral était le patrimoine de bourgs sans indépendance que de ce qu’il ne pouvait pas être étendu selon les besoins nouveaux. On ajoutait que de plus larges concessions étaient impossibles pour toute administration prudente, dans les limites et selon l’esprit de la constitution.

  1. vol. XXXIV, pag. 461.