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bles, s’applique bien moins chez eux à l’homme d’état qui modifie ses doctrines qu’à celui qui se sépare de ses amis politiques pour former des connexions nouvelles.

Le bill voté par les deux chambres contenait toutefois quelques réserves importantes[1], et l’on se rappelle que le ministère fit passer comme appendice et condition de la mesure un changement grave dans le système électoral de l’Irlande. Dans le but de diminuer l’influence du clergé catholique sur les petits cultivateurs, la franchise électorale fut élevée de 40 shellings à 10 liv. sterl. ; mais qu’importait à ce pays ? n’était-il pas sûr de l’avenir ? Qu’importait également à l’association catholique sa dissolution prononcée ? N’avait-elle pas révélé à la pauvre Irlande le secret de sa force, à la riche Angleterre celui de sa faiblesse ? ne restait-il pas toujours démontré que l’agitation était un ressort sous lequel se courberaient, en définitive, les plus inflexibles volontés ?

Mais cette épreuve n’était pas la dernière, et l’aristocratie, vaincue par les prolétaires d’Irlande, au nom de la liberté religieuse, allait l’être bientôt par les prolétaires d’Angleterre, au nom de la liberté politique ; il allait être constaté que, quoique sa puissance territoriale n’ait pas fléchi, et que son influence soit entière, l’une et l’autre seraient désormais dominées par des forces irrésistibles.

L’émancipation n’avait pas eu, relativement à la tranquillité de l’Irlande, l’influence sur laquelle on avait trop paru compter. Les crimes contre les personnes, les assassinats et incendies, les rassemblemens et avertissemens illégaux, les attaques nocturnes à la propriété, mutilations de bestiaux, menaces aux officiers publics, etc., enfin cette longue table de crimes spéciaux à ce malheureux pays s’étendait chaque jour, au point de le rendre inhabitable. Les refus de dîmes, inconnus avant l’émancipation, devinrent universels à partir de cette époque, à ce point qu’elles se trouvèrent tout à coup supprimées de fait dans les campagnes, où d’horribles tragédies ne rendirent pas leur perception moins impossible. Une mauvaise récolte vint ajouter les horreurs de la famine à tant d’horreurs accumulées, et, dès les premiers jours de 1830, le rappel de l’union était

  1. Telles que l’interdiction aux catholiques romains de devenir régent du royaume, lord chancelier, lord du grand sceau, lord-lieutenant d’Irlande (art. XII), d’user du droit de présentation pour bénéfices ecclésiastiques, soit comme propriétaires, soit comme membres de corporations municipales (XV-XVII) ; de faire partie d’une cour de judicature où il y aurait appel des sentences rendues par les tribunaux ecclésiastiques (XVI) ; d’occuper aucun emploi, chaire ou office dans les universités (ibid.) ; enfin, certaines restrictions et limitations pour les congrégations religieuses dépendantes de l’église romaine (XXVIII-XXXVI).