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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

Ses abords envahis par la multitude, son bureau surchargé de pétitions colossales, en majorité hostiles aux catholiques, la chambre rendit son verdict annuel sur cette brûlante question, et six voix vinrent décider « qu’il était expédient de relever les catholiques romains des incapacités qui pesaient sur eux, en vue d’un arrangement conciliateur et définitif pour la paix et force du Royaume-Uni, la stabilité de l’église établie, la concorde et satisfaction de toutes les classes des sujets de sa majesté. »

Cependant la chambre des lords n’était pas vaincue. Elle venait, de l’aveu de la plupart des évêques, de consentir, en faveur des dissidens protestans, l’abrogation d’incapacités nominales, il est vrai, puisqu’elles étaient tombées en désuétude ; mais l’aristocratie et l’église comprenaient trop qu’à l’égard des catholiques, la liberté religieuse avait une tout autre portée : aussi, tant que les hommes de leur confiance intime ne furent pas dans le secret des affaires, tant que ceux-ci ne vinrent pas déclarer catégoriquement qu’il y allait de l’existence de l’empire, aimèrent-elles mieux s’exposer aux risques d’une lutte acharnée que de sacrifier le principe sur lequel reposait tout l’édifice des institutions nationales.

Lorsqu’on étudie une telle question selon l’équité, sa solution, sans doute, est facile, et l’homme de bien ne peut que rendre grace au ciel d’appartenir à un pays où les inspirations de la conscience privée ne sont jamais contrariées par celles de la conscience politique. Mais pour l’Angleterre protestante, solidaire d’un passé dont il lui était interdit de secouer le poids, la question était grave, il faut bien le reconnaître, plus grave, à notre avis, que celle de la réforme parlementaire elle-même.

Les défenseurs de la liberté religieuse arguaient avec chaleur et des principes de l’équité naturelle, et du droit public européen consacré par les traités, et de la situation du continent, y compris le Hanovre, où, par une singulière anomalie, George IV venait de consacrer l’abolition de toutes distinctions religieuses entre ses sujets allemands. Ils faisaient valoir l’universelle considération dont vivaient entourées les familles catholiques d’Angleterre, restes décimés des proscriptions ; ils montraient en Irlande la force toujours croissante de la population indigène en face d’une faible minorité, dont le chiffre, bien loin d’augmenter, comme on l’avait espéré si long-temps, s’abaissait tous les ans d’une manière sensible[1]. Ils rappelaient et

  1. Des documens officiels, postérieurs à cette discussion, sont venus confirmer ce fait. Quoique depuis l’union législative (1800) l’Angleterre ait ajouté l’énorme somme de