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pinion conservatrice et la force populaire. Le whigisme a pu avoir, il peut même conserver une grande et salutaire importance comme opinion de transition : grace aux lumières et au caractère personnel de ses chefs, ce parti doit peser d’un grand poids dans les délibérations parlementaires, et une popularité temporaire a pu lui frayer les voies du pouvoir ; mais comment méconnaître l’identité des intérêts qui le rattachent à l’autre grande faction aristocratique ?

Les whigs reçurent sans doute en héritage un certain nombre de questions généreuses dont leurs traditions de famille les incitaient à poursuivre la solution : l’émancipation catholique et une réforme modérée étaient au premier rang de ces conquêtes. Mais, lorsqu’il s’agit de tirer les premières conséquences des prémisses le plus hardiment posées, des scrupules de conscience ou de position plus puissans que l’ambition même, les arrêtent tout court dans cette œuvre. Déjà l’on a vu la première couche du whigisme se replier avec lord Stanley et sir J. Graham sur la phalange conservatrice, et, au banquet solennel donné cette année même au chef parlementaire de cette opinion, par trois cent quinze membres des communes, l’alliance fut scellée par la communauté avouée des principes et des vœux[1]. On peut prédire, sans assigner la date d’une révolution peut-être éloignée, mais à coup sûr inévitable, qu’un sort pareil attend la masse du parti whig, qui incline, en effet, bien plus vers le torysme par ses affinités instinctives, qu’il ne s’en éloigne par ses dissidences formulées.

Plus la pression de l’élément populaire deviendra forte, plus elle tendra à faire remonter le whigisme à sa source naturelle, l’inspiration aristocratique. C’est de là qu’il sort, en effet, bien plus directement que le torysme lui-même ; et l’attitude d’opposition qu’on a prise long-temps pour le fruit d’idées plus libérales résultait surtout de cette indépendance hautaine, inhérente à tout patriciat en face du pouvoir.

Le parti tory et le parti whig ne professent pas un symbole distinct, seulement le dernier le professe avec une foi moins vive et moins robuste ; il est assez indépendant d’esprit pour voir tous les abus, mais n’a pas assez de courage pour les attaquer lorsqu’ils sortent des principes mêmes. Défenseur ardent de l’émancipation religieuse de l’Irlande, ce parti n’ose aller jusqu’à la suppression des dîmes payées par la misère de la majorité à l’opulence du petit nombre, bien

  1. Discours de sir Robert Peel, du marquis de Chandos, de lord Stanley, sir J. Graham, etc. 12 mai 1838.