Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/466

Cette page a été validée par deux contributeurs.
462
REVUE DES DEUX MONDES.

et ne dites pas de pareilles choses, aujourd’hui surtout ; vous feriez tomber votre oncle en disgrace.

L’enfant ne comprit pas ma réponse ; mais il en fut comme effrayé, et ne parla à personne, que je sache, de ce qu’il avait vu. Il avait dès lors une maladie dont il mourut l’année suivante, chez ses parents. Je n’ai pas bien su les détails de sa mort ; mais il m’est revenu qu’il avait vu, à ses derniers instans, une figure vers laquelle il voulait s’élancer, en l’appelant Pater Spiridion. Cet enfant était plein de foi, de douceur et d’intelligence. Je ne l’ai connu que quelques instans sur la terre ; mais je crois que je le retrouverai dans une sphère plus sublime. Il était de ceux qui ne peuvent pas rester ici-bas, et qui ont déjà, dès cette vie, une moitié de leur ame dans un monde meilleur.

Je fus occupé, pendant quelques jours, à préparer mon observatoire, à choisir les livres que je préférais, à les ranger dans ma cellule, à tout ordonner dans mon nouvel empire. Pendant que le couvent était en rumeur pour célébrer l’élection de son nouveau chef, que les uns se livraient à leurs rêves d’ambition, tandis que les autres se consolaient de leurs mécomptes en s’abandonnant à l’intempérance, je goûtais une joie d’enfant à m’isoler de cette tourbe insensée, et à chercher dans l’oubli de tous mes paisibles plaisirs. Quand j’eus fini de ranger la bibliothèque, les collections d’histoire naturelle, et les instrumens de physique et d’astronomie, ce que je fis avec tant de zèle, que je me couchais chaque soir exténué de fatigue (car toutes ces choses précieuses avaient été négligées et abandonnées au désordre depuis bien des années), je rentrai un soir dans cette cellule avec un bien-être incroyable. J’estimais avoir remporté une bien plus grande victoire que celle de Donatien, et avoir assuré tout l’avenir de ma vie sur les seules bases qui lui convinssent. Je n’avais qu’une seule passion, celle de l’étude : j’allais pouvoir m’y livrer à tout jamais, sans distraction et sans contrainte. Combien je m’applaudissais d’avoir résisté au désir de fuir, qui m’avait tant de fois traversé l’esprit durant les années précédentes ! J’avais tant souffert, n’ayant plus aucune foi, aucune sympathie catholique, d’être forcé d’observer les minutieuses pratiques du catholicisme, et d’y voir se consumer un temps précieux ! Je m’étais souvent méprisé pour le faux point d’honneur qui me tenait esclave de mes vœux. — Vœux insensés, sermens impies ! m’étais-je écrié cent fois, ce n’est point la crainte ou l’amour du Dieu qui vous a reçus, ni qui m’empêche de vous violer. Ce Dieu n’existe plus, il n’a jamais existé. On ne doit point de fidélité à un fantôme, et les engagemens pris dans un songe n’ont