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la chaleur, le grossissement que produisent les globes de verre par réfraction, les prismes, la diminution de la chaleur dans les hautes régions atmosphériques, la différence de densité entre les diverses parties des comètes, et le refroidissement produit par l’évaporation. Malgré ces observations fort incomplètes, les sciences mathématiques et naturelles n’étaient pas en progrès. Galien raconte, dans un de ses écrits, que des cordonniers et des teinturiers balançaient sa réputation médicale. Le christianisme, occupé de la conquête du monde, ne songeait guère à la science, et quelques débris rares se conservaient encore dispersés çà et là. Le souvenir de la belle Hipathia, moins célèbre par ses livres sur l’analyse indéterminée que par la mort sanglante que des chrétiens lui firent subir dans les rues, et quelques écrits de Diophante jetèrent à peine un faible éclat à Alexandrie. Les invasions des Goths et des Huns furent loin d’amoindrir l’ignorance universelle. L’astrologie elle-même, dit M. Libri, était une erreur trop savante pour Attila ; il cherchait l’avenir dans les fissures de certains os qu’il faisait calciner. Toute la science se réfugia dans les deux livres de géométrie tirés par Boëce d’Euclide, et les chrétiens ne connurent rien de plus en mathématiques avant les Arabes. Les irruptions des Lombards, la courte et brillante apparition de Charlemagne, furent des phases nouvelles de cette décadence scientifique. Les chrétiens ne conservèrent plus les premières notions du mouvement des astres que parce qu’il fallait déterminer le jour de Pâques.

Avant d’arriver aux Arabes, qui se répandirent sur le monde avec Mahomet, et à leur influence sur le développement scientifique, M. Libri entre dans des détails extrêmement curieux et pleins de sagacité, sur la source orientale des sciences grecques, qu’il suit dans Aristote et dans cette école alexandrine qui brilla pendant huit siècles, sur les traductions arabes des ouvrages grecs, et les commentaires d’Avicenne, Nassir-Eddyn et Averroës et sur Bagdad, devenu un instant le centre du monde civilisé. Mais de qui les Arabes avaient-ils reçu l’algèbre ? cette science remonterait-elle à l’analyse indéterminée de Diophante ? Alors où Mohammed-ben-Musa aurait-il pris la méthode algébrique ? M. Libri établit avec une grande lucidité et une grande puissance de démonstration, que c’est aux Hindous, dont nous avons adopté les chiffres au XIIe siècle, qu’il faut faire remonter la glorieuse découverte de l’algèbre. Deux traités récemment publiés, l’un de Brahmegupta, l’autre de Baschara Acharia, l’établissent formellement. Il est fort curieux de voir que la solution trouvée par Euler était connue depuis dix siècles aux Indes. Les Hindous avaient d’ailleurs des tables des sinus, et des instrumens énormes en maçonnerie, pour l’observation des astres ; ils mesuraient le temps par des clepsydres, et ils possédaient les théorèmes fondamentaux de la trigonométrie sphérique. M. Libri, avec une rare impartialité, respecte les traditions et restitue les découvertes à leurs vrais auteurs. Ainsi il faut rendre à ces mêmes Chinois qui croyaient voir un lapin dans la lune, la boussole, la poudre, apportée en Europe par les Mongols, et peut-être aussi l’imprimerie. Quant