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REVUE DES DEUX MONDES.

La cinquième édition de l’Histoire de la conquête a été soumise à une révision sévère, et a reçu dans les notes et dans les pièces justificatives de notables accroissemens. Irréprochable sous le rapport typographique, elle est enrichie de vignettes qui reproduisent, avec une scrupuleuse vérité de costumes, les scènes les plus saillantes du récit, et la célèbre tapisserie de Bayeux. Le recueil de ces vignettes est un véritable atlas archéologique. La popularité du beau livre de M. Thierry nous dispensait, dans ces quelques lignes, de toute analyse ; mais les grands travaux entrepris par l’illustre historien nous donneront plus tard l’occasion de rendre un hommage plus étendu à ce noble martyr de la science, et de mieux caractériser son talent.

§ v. — SCIENCES.

Histoire des sciences mathématiques en Italie, par M. Libri[1]. — La lecture de ce livre inspire deux sentimens qu’il est trop rare de trouver unis ; non-seulement elle fait admirer l’érudition variée, solide, discursive, les vues élevées, les ingénieux aperçus du grand mathématicien qui a écrit ces pages, mais aussi elle fait vivement aimer l’auteur inspiré par tant d’idées généreuses. L’Histoire des Sciences Mathématiques en Italie n’est pas l’exposition sèche et spéciale des variations et des progrès des sciences exactes dans cette noble contrée, depuis la première introduction de l’algèbre parmi les chrétiens jusqu’à la mort des derniers disciples de Galilée ; c’est plutôt l’histoire du génie scientifique dans ses rapports avec les autres élémens du développement intellectuel. Il y a dans chaque volume deux parties bien distinctes ; la première est consacrée à une exposition générale du développement propre des sciences mathématiques, de l’influence qu’elles ont exercée sur les lettres et sur les arts, et de l’influence réciproque qu’elles en ont subie ; la seconde s’adresse exclusivement aux hommes spéciaux et comprend des notes explicatives et souvent des fragmens et des traités inédits publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du roi et des autres dépôts littéraires. Ce livre a donc le rare mérite de ne pas s’être fait d’avance un public isolé, mais d’être intelligible à tous dans son texte, sinon dans ses pièces justificatives ; il introduit dans les sciences historiques des élémens tout nouveaux et désormais indispensables, c’est-à-dire l’influence des mathématiques sur la civilisation.

La France, on le sait, n’est pour M. Libri qu’une patrie adoptive, et c’est avec une noble et fière pitié pour la vieille terre des arts et de la science accablée sous le despotisme autrichien, c’est avec un juste orgueil pour tout ce passé intellectuel, que M. Libri reporte ses regards et ses études sur l’Italie, Italia lacerata, Italia mia, comme le dit, avec Magalotti, l’épigraphe du

  1. Chez Renouard, rue de Tournon, 6. — Tomes I et II, in-8o.