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REVUE LITTÉRAIRE.

une ardeur et un coloris de style, assez inhabitués aux historiens de province qui écrivent si grossièrement en général, viennent s’y mêler à une naïve inexpérience et à une évidente précipitation. Mais ce travail, toutefois, n’est pas à rejeter complètement, car l’auteur perdra sans doute, avec l’âge, ce que son imagination a de hasardé, et il ne pourra en même temps qu’augmenter et rendre meilleures des qualités que l’étude et la persévérance ont grand besoin de mûrir. Quelques parties du livre de M. Laperouse ajoutent même au grand travail de Dom Plancher sur la Bourgogne, et apportent des éléments dès à présent nécessaires à l’histoire de cette province, devenue populaire par l’ouvrage de M. de Barante.

Il y a dans nos annales trois époques principales où les chroniques particulières des villes du nord et du milieu de la France acquièrent véritablement de l’importance et deviennent une source indispensable de l’histoire générale. La défense de la liberté individuelle dans l’établissement des communes, la défense de la liberté nationale dans la lutte contre l’invasion anglaise, la défense de la liberté et des traditions religieuses dans la Ligue, voilà les trois grands faits auxquels se rattachent presque toujours les évènemens importans des cités du moyen-âge et de la renaissance. Le beffroi et la cloche contre le seigneur, les murailles contre l’étranger, l’église contre l’hérésie et la politique de la réforme, tel est donc le cercle habituel de l’histoire des localités : tel est, par conséquent, le développement des principaux faits qui se rapportent à Châtillon.

Avant la commune qui y fut établie en 1208 et en 1213, la série des évènemens racontés par M. Laperouse n’a guère trait à des circonstances importantes. À l’époque romaine, l’épisode si connu de Sabinus et d’Éponine, rattaché tant bien que mal au sujet ; plus tard, l’histoire de Gérard de Roussillon que l’auteur emprunte au curieux travail de M. Fauriel sur les épopées, inséré dans cette Revue ; la légende de saint Vorle, empruntée aux Bollandistes et à une homélie d’Aganon ; les pieuses traditions d’un long séjour de saint Bernard ; des textes intéressans sur l’organisation féodale et les diverses juridictions ; le siége que Philippe-Auguste, irrité des exactions du duc de Bourgogne, met devant Châtillon ; le long récit que Guillaume-le-Breton fait de ce siége dans sa Philippide : voilà ce qu’il y a de plus remarquable dans le livre de M. Laperouse, avant qu’il en soit arrivé à l’établissement municipal, concédé par Eudes III, et à la curieuse résistance du clergé contre la commune.

À cette occasion l’auteur use d’une théorie assez peu claire sur les villes de lois antérieures aux communes et dont il veut retrouver l’origine au-delà du IXe siècle. Les textes, par malheur, ne viennent guère à l’appui de cette opinion vague qui ne s’appuie ni sur les idées émises par M. Thierry, ni sur les idées absolues adoptées par Raynouard, et qui ne les concilie point non plus, en les absorbant les unes dans les autres, comme l’a fait M. Guizot.

La guerre des Anglais et la Ligue fournissent encore à M. Laperouse des