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demande qu’une étude préalable assez courte que des littérateurs sont tenus de faire, c’est un travail qu’on ne peut exiger des autres artistes également épris du moyen-âge, et qui ont souvent besoin de l’aborder. Le volume de M. Le Glay indique parfaitement son objet, et des choix ainsi faits des principaux poèmes trouveraient leur usage. On y lit trois épisodes d’un roman du XIIe siècle, dont Raoul, comte de Cambray vers 940, est le héros. Ce roman, encore inédit, doit être bientôt publié chez Techener, d’après le manuscrit original de la Bibliothèque du Roi (numéro 8201). Un autre fragment donné par M. Le Glay est la Mort de Bègues de Bélin, tirée du poème ou de la Chançon des Lohérains, dont M. Paris n’a publié qu’une partie. Ces divers morceaux ont de l’intérêt, de la naïveté et de la vigueur, bien que M. Le Glay, dans ses préfaces, soit en général porté à s’en surfaire un peu le mérite littéraire ; mais, dans le genre d’études qu’il poursuit, c’est là un aiguillon plutôt qu’une illusion. Quoique nous pensions que des traductions et des choix, comme vient d’en faire M. Le Glay, fussent agréables et utiles, il est à croire qu’on ne les poursuivra guère très loin ; ceux qui en seraient capables ne sauraient se tenir à un travail trop facile pour eux ; c’est à donner les textes même qu’ils sont bientôt conduits. Nous engageons donc M. Le Glay à ne pas reculer devant cette publication des manuscrits originaux : il est appelé à prendre place lui-même parmi ces modernes éditeurs philologues qu’il loue extrêmement, et qu’il y a lieu peut-être de surpasser.

§ III. — PHILOSOPHIE.

Recherches sur la vie, les ouvrages et les doctrines de Henri de Gand, par M. François Huet[1]. — Brucker, Tennemann, Tiedemann, Buhle, Dugald-Steward, M. de Gérando, Ritter et bien d’autres avec eux ou après eux ont tenté, à leur manière et pour leur part, d’écrire l’histoire de la philosophie. Les uns ont concentré leurs études dans l’antiquité, les autres dans les temps modernes ; quelques-uns ont embrassé le développement complet des systèmes spéculatifs ; mais, malgré de louables efforts, jamais la philosophie du moyen-âge, c’est-à-dire le singulier synchronisme de la scholastique et du mysticisme, n’a été jusqu’ici l’objet d’une étude approfondie et complète. Je dis plus, un pareil travail n’est pas possible, à moins d’efforts surhumains, tant que des monographies consciencieuses, tant que des dissertations spéciales et particulières n’auront pas successivement éclairé les diverses parties de ce labyrinthe vaste et compliqué. Dans son remarquable travail sur le conceptualisme, M. Cousin, à propos d’Abélard, a commencé en maître cette désirable série d’études. Mais, malgré l’importance de la querelle des nominalistes et des réaux, qui n’est au fond que l’éternelle querelle

  1. vol. in-8o, chez Paulin, rue de Seine, 33. — Gand, chez Leroux.