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pouvaient tarder à l’être, car la comtesse avait engin subtil et langue attractive. Elle obtint le diamant, le cheval ; la maison d’Artois eut un héritier, et la dame, heureusement réunie à l’époux qu’elle aimait, vécut doucement tout le temps que Dieu lui destinait, heureusement renommée par toutes les seigneuries lointaines et voisines, bénie de ses vassaux. Et quand la mort l’ôta de ce monde avec le comte son mari, il fut fait, pour le repos de leurs ames, de belles et pieuses fondations.

Le Livre du très chevalereux comte d’Artois est, en somme, un modèle du genre. Sa place est marquée, dans notre vieille littérature, près des romans du Comte de Poitiers, de Berthe et du Petit Jehan de Saintré. Les proportions en sont justes, le récit rapide ; il s’y rencontre un côté de naïve élégie, où le sentiment est toujours vif et vrai, et les formes pleines de fraîcheur. L’action, bien que chargée de quelques récits de combats d’un moindre intérêt, marche cependant avec rapidité, et s’enchaîne toujours avec art, et les tableaux des mœurs de l’époque sont partout nettement touchés. M. Barrois, en publiant ce livre à ses frais, a donné une nouvelle preuve de son amour éclairé de l’histoire et des arts. Ce noble emploi d’une grande fortune est un exemple qu’il convient de signaler, tout en désespérant de le voir souvent suivi. La préface qui précède ce roman, pourrait peut-être, dans ses vingt-quatre pages, apprendre un peu plus ; mais si M. Barrois ne nous semble pas avoir approfondi ses recherches, il n’a du moins rien épargné pour donner à ce livre une rare perfection typographique. Le public lettré prendra un vif plaisir à la lecture de cette gracieuse production du XVe siècle, et à l’examen des dessins qui accompagnent le texte. Les miniatures au simple trait, exacte reproduction des enluminures du manuscrit original, représentent les fiançailles du comte d’Artois, son mariage, ses vaillantes rencontres, ses rendez-vous d’amour, le baptême de l’héritier tant souhaité de sa maison. On y trouve quelques détails qui ne sont point sans curiosité. M. Barrois signale entre autres, et avec raison, comme une singularité, la figure représentant la bénédiction nuptiale. Ici, des canons, montés comme des télescopes et évasés comme des tromblons, sont braqués contre les Sarrasins ; là, des demoiselles et le comte d’Artois causent dans un salon royal qui n’offre, pour tout ameublement, qu’un banc circulaire et deux cages sont des oiseaux et un écureuil. Presque partout, dans les miniatures de combats, on voit sur les derniers plans des villes ceintes de remparts, au-dessus desquels regardent deux ou trois têtes casquées, un peu moins grosses, sans doute par respect pour la perspective, que les têtes du premier plan, mais d’un volume presque égal encore aux maisons et aux tours.


Mystère de saint Crespin et saint Crespinien[1]. — Le défaut le plus sensible et le plus grave de presque tous les écrits du moyen-âge,

  1. vol. in-8o, publié par MM. Dessalles et Chabaille, chez Silvestre, rue des Bons-Enfans, 30.