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REVUE LITTÉRAIRE.

Mais j’ai, pour me charmer, ma lyre, don du ciel ;
J’ai l’amitié, ce vase aux flots d’or et de miel ;
Mais j’ai la mer et ma Bretagne.

J’ai la vieille Bretagne avec ses bruits si beaux,
Ses maisons du Seigneur, au milieu des tombeaux,
Comme des mères de famille
Assises au milieu de leurs enfans aimés,
Au soir d’un de ces jours où les cieux allumés
Ont chauffé le fer des faucilles.

J’ai les amis venant en automne au manoir ;
J’ai, devant le foyer, les lectures du soir,
Et l’étude des saintes choses ;
J’ai, quand le vent gémit dans le long corridor,
La prière dans l’ombre et de beaux songes d’or
Sur la couche où tu te reposes.

Que M. Morvonnais consente à faire entrer l’art pour quelque chose dans ses préoccupations solitaires ; qu’en étudiant les Lackistes avec amour, il ne se borne pas à eux et ne s’y oublie pas jusqu’à laisser tout rivage. En France, on n’arrive au beau qu’avec des lignes terminées. Plus il avancerait dans le secret de l’art, et plus ses poésies, toujours vraies, paraîtraient naturelles. En réalisant ainsi le vœu de l’amitié, il élargirait le cercle des amis et gagnerait un public.


Les Premières feuilles, poésies, par M. Stanislas Cavalier[1]. — C’est le début d’une jeune ame qui obéit à sa sensibilité, à son amour de la nature, à ses rêves d’avenir. Ces sortes d’impressions, à un certain moment, sont communes à toutes les ames : le poète les a rendues pour son compte avec simplicité et mélodie. Ce qu’on pourrait lui reprocher, c’est de ne pas les avoir montrées assez particulières, et d’être trop resté dans une des variations générales du thème lamartinien. Mais le poète s’excuse d’avance ; il n’est pas né dans un pays de caractère, il n’a pas rêvé, enfant, aux grèves de l’Océan ; il n’a eu pour premier horizon que d’immenses plaines où le regard n’avait pas même de collines où se poser :

Et je n’eus pour parfums, dans ces plaines sans sites,
Que la senteur des blés et que l’odeur des foins,
Que le souffle embaumé des blanches marguerites,
Ou les exhalaisons d’autres fleurs plus petites
Aux rebords des chemins.

Depuis lors, il est vrai, il a vu Rome, il s’est bercé au golfe de Baïa ; mais il vient un peu tard pour redire ce que les Méditations ont chanté. Ce qu’il

  1. vol. in-8o, chez Eugène Renduel, 3, rue Christine.