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DE
LA TRAGÉDIE
À PROPOS DES DÉBUTS DE MLLE RACHEL.

Il se passe en ce moment au Théâtre-Français une chose inattendue, surprenante, curieuse pour le public, intéressante au plus haut degré pour ceux qui s’occupent des arts. Après avoir été complètement abandonnées pendant dix ans, les tragédies de Corneille et de Racine reparaissent tout à coup et reprennent faveur. Jamais, même aux plus beaux jours de Talma, la foule n’a été plus considérable. Depuis les combles du théâtre jusqu’à la place réservée aux musiciens, tout est envahi. On fait cinq mille francs de recette avec des pièces qui en faisaient cinq cents ; on écoute religieusement, on applaudit avec enthousiasme Horace, Mithridate, Cinna ; on pleure à Andromaque et à Tancrède.

Il est ridicule et honteux que ce soit un prodige ; cependant c’en est un. On ne peut nier l’oubli profond dans lequel était tombé l’ancien répertoire. Cet oubli était si bien constaté, que quelques personnes, et même des gens d’esprit, regardent l’affluence qui se porte maintenant au Théâtre-Français comme le résultat d’un engouement passager qui ne peut pas durer. D’un autre côté, comme il y a très long-temps que ces pièces n’avaient été suivies, on voit des gens qui