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LA SICILE.

général Naselli avait été envoyé de Naples, avec le chevalier de Thomasis, aujourd’hui duc de Cumia, pour rétablir l’ordre en Sicile. Quand l’indépendance fut proclamée à Palerme, le général, privé du fort de Castellamare, son unique point de défense, nomma une junte de nobles pour administrer la ville. En peu de jours, la révolte fut à son comble. Les statues du roi furent renversées, les résidences royales dévastées, les palais, les maisons particulières mis au pillage ou incendiés, et les têtes des princes de Cattolica et de Iaci, les deux premières victimes du peuple, portées au haut d’une pique dans les rues de Palerme. Naselli s’enfuit sur une petite barque, sa junte fut renversée, et le peuple en nomma une autre, composée de seigneurs mêlés à des hommes de la populace. Le cardinal Gravina fut forcé de la présider. Les vallées de Palerme et de Girgenti s’insurgèrent également. Les cinq autres restèrent fidèles au gouvernement napolitain, qui se hâta de diriger une expédition vers la Sicile. Le général Florestan Pépé commandait les neuf mille fantassins et les cinq cents cavaliers qui la composaient. Le général Pépé fut bientôt sous les murs de Palerme avec dix mille hommes ; il avait réuni à ces troupes quelques volontaires siciliens enrôlés du côté de Messine, et plusieurs bataillons de la milice de Calabre.

La noblesse de Sicile, enfermée dans Palerme, sous le joug du peuple, sentait déjà que cette révolution n’était pas faite pour elle, et ne demandait, en secret, que le rétablissement de l’ordre, au prix même du rétablissement de l’autorité du gouvernement napolitain. Le cardinal Gravina avait été déjà déposé par le peuple, le prince de Villafranca s’était éloigné, et le découragement était si grand parmi les nobles, qu’aucun d’eux n’osait agir sur le peuple et tenter d’opérer la contre-révolution, qu’ils désiraient tous ardemment. Le vieux prince de Paternò, le plus riche propriétaire de la Sicile, goutteux, plus qu’octogénaire, mais connaissant à fond le peuple sicilien, au milieu duquel il avait passé sa vie, s’en alla seul sur la Piazza-Maggiore, et se mit à haranguer les souverains en haillons qui régnaient alors à Palerme, leur disant, en leur langage populaire, que l’ennemi était aux portes, l’eau et les vivres épuisés, la ville sans ressources, et qu’il fallait prendre un parti décisif. Ce parti, selon lui, était de combattre l’ennemi hors des murs, et de mourir courageusement plutôt que de se remettre sous le joug de Naples. Mais, ajoutait-il, un tel parti demandait de mûres réflexions ; il s’agissait de la vie, de la liberté, de l’honneur. Il leur donnait donc jusqu’au