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non moins spirituel, le duc de Noja, et se répandant sur tous les points de la ville, brûla les archives et les effets d’habillement des hôpitaux. L’intendant, livré à lui-même, fit demander du monde au général Luigi Caraffa qui occupait la citadelle, mais celui-ci répondit nettement que ses soldats étaient en trop petit nombre, et que c’eût été sacrifier sans utilité les hommes dont la vie lui était confiée. En même temps, la porte de la citadelle s’ouvrit et se referma sur le général, qui sortit seul, en grand uniforme napolitain, et vint se placer au milieu de la populace furieuse, en l’exhortant à rentrer dans l’ordre. Pendant que le général exposait ainsi sa vie, la regardant comme moins précieuse que celle du dernier de ses soldats, l’intendant organisait, en quinze heures, une garde nationale qui, à l’aide des troupes, réprima le peuple sans effusion de sang. Bientôt la garde nationale commença à devenir turbulente à son tour, et à pousser quelques cris d’indépendance qui obligèrent les autorités à la dissoudre ; mais l’émotion n’avait pas augmenté, et Messine était déjà parfaitement calme, lorsque le marquis del Caretta, chargé des pouvoirs d’alter ego du roi des Deux-Siciles, vint y débarquer. Le marquis della Cerda fut relégué dans une petite intendance en Calabre ; et de Messine, cette résidence opulente et animée, le général Caraffa, envoyé à Noto, à quelques milles de l’Afrique, fut puni de l’impuissance où il s’était trouvé, par sa nomination au commandement d’une province misérable, morne et abandonnée. Un officier napolitain, vieux soldat très honoré, mais inconnu à Messine, le commandeur de Liguoris, y remplaça l’intendant rappelé, et Messine se trouvait très satisfaite de ce choix quand j’y arrivai. Le nouvel intendant était Napolitain, mais celui qu’il remplaçait était de Palerme, et, en haine de Palerme, on vota par acclamations, au nouveau venu, les fonds de construction d’un théâtre, qu’on avait obstinément refusés à celui qui s’éloignait. Ceci doit donner à réfléchir aux Siciliens qui rêveraient l’indépendance, surtout s’ils veulent bien faire attention à la situation géographique de Messine, à peine séparée de la Calabre par une enjambée, et qui est, qu’on me passe ce terme, le goulot de la bouteille par lequel Naples peut verser sans cesse des troupes en Sicile. Le camp d’observation, de quatre mille hommes, établi depuis, dit-on, à Reggio, prouve que le gouvernement napolitain sait toute la valeur de cette importante position.

Il faut aussi se rappeler ce qui eut lieu, lors de la révolution de Palerme, en 1820 : je m’en tiens au récit du général Coletta. Le