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dont une partie est à Naples, au service de Naples, et dont l’autre partie reste enfouie à Palerme, s’isolant chaque jour davantage par ses antipathies, et gardant une bonne part de sa haine pour les gentilshommes qui vont chercher la fortune ou les honneurs de l’autre côté du Phare.

J’ai vu à Messine un singulier exemple de cette antique haine de cité à cité, qui est restée toute vivante dans cette partie de la Sicile.

Messine, la ville commerçante où vient aboutir tout le négoce des ports du littoral sicilien de la mer Ionienne, jalouse Palerme, où vit une nombreuse noblesse oisive, et qui est, depuis des siècles, en possession du siége du gouvernement. Messine, placée en vue de la Calabre, séparée de l’Italie par une heure de mer, au centre de la Méditerranée ; Messine, qui est le point de jonction des deux principaux côtés que forme l’île triangulaire dont elle est, en quelque sorte, la clé ; Messine, qui est en même temps la porte d’un canal qui mène de l’Europe en Afrique ; elle qui récemment encore (de 1805 à 1812) a eu un si beau moment de fortune, quand l’or qu’y jetaient les Anglais, et la présence de leur flotte, ranimèrent son industrie et son commerce ; Messine, riche, animée, qui donne à elle seule, grâce à ses douanes, un cinquième du million d’onces affecté, nominalement il est vrai, aux routes de Sicile ; Messine, depuis des siècles, frémit de se voir reléguée au second rang. Le seul nom de Palerme fait pâlir un véritable Messinois, et je vous ai rappelé dans ma première lettre quels résultats avait eus cette haine sur les destinées de la Sicile, déjà du temps de l’amiral Vivonne. Cette haine, que ne partage pas Palerme, je dois le dire, va si loin, encore aujourd’hui, que j’ai trouvé à Messine beaucoup de partisans d’un projet qui est peut-être né sous le Phare. Il s’agissait de séparer la province de Messine de la Sicile, et de la réunir à la partie du royaume des Deux-Siciles qu’on nomme officiellement, à Naples, di qua del faro, de ce côté du phare, tandis que la Sicile proprement dite est nommée reali dominj oltre il faro, domaines royaux au-delà du phare. Que de fois, me promenant sur la plage de Messine, de la citadelle à Salvadore de’i Greci, j’ai entendu vanter, à la vue des hautes montagnes noires de la Calabre, dont les ombres couvrent le canal, tous les avantages de cette réunion pour Messine, qui s’affranchirait ainsi des misères de la Sicile, dont elle porte cependant le moindre poids ! J’étais encore à Messine quand eut lieu l’établissement du système de promiscuité, qui consiste, contrairement aux déclarations de Laybach, à envoyer des