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LA SICILE.

pitale, fonde la banque de Pologne, contribue à l’établissement des nouvelles et magnifiques usines de Varsovie, et encourage l’agriculture dans toutes les campagnes. En Autriche, on exige l’obéissance absolue du peuple et sa soumission brutale au pouvoir, au nom de la prospérité qu’on lui donne et de la modicité des impôts qu’on lève sur lui. J’espère voir un jour ce système suivi en Sicile. Que le sol le plus riche de l’Europe cesse d’en être le plus pauvre et le plus stérile, par l’effet de l’administration du pays ; que la population la plus intelligente, celle qui compte des marins intrépides comme les matelots grecs et hardis comme les capitaines américains, des légistes consommés, des commerçans actifs et fins, une noblesse propre à toutes les grandes choses, ne soit plus condamnée à l’oisiveté et à l’isolement, Naples aura fait alors beaucoup pour la Sicile. Les constitutions viendront ensuite, quand il se pourra ; mais que la prospérité publique précède les constitutions : c’est le moyen de les rendre profitables.

Il y a sans doute de grandes causes de division entre Naples et la Sicile. La noblesse y regarde le traité de Laybach comme déchiré en ce qui concerne la Sicile ; le paysan garde ses sentimens de haine pour la domination étrangère ; le marchand se sent froissé dans ses intérêts, et prévoit qu’il le sera davantage. Mais l’esprit de rébellion a diminué ; la crainte domine tout, et quoique le Sicilien se fasse une religion de mépriser le soldat napolitain, on ne peut nier que la terreur qu’inspirent les troupes suisses ne soit un moyen réel de répression.

D’autres causes, non moins puissantes, s’unissent pour maintenir le lien qui unit, tant bien que mal, les deux parties du royaume des Deux-Siciles. Parmi ces causes, il faut compter, en première ligne, ces vieilles haines municipales que j’ai dites, haines déjà bien antérieures à l’époque de la domination espagnole, où les vice-rois les ravivaient à dessein, et qui existent dans toute leur force entre Palerme et Messine. À ces causes s’ajoute la crainte que le peuple déchaîné a, de tous les temps, inspirée à la noblesse, qui agira toujours, dans les insurrections populaires, comme elle fit en 1820 ; l’influence des idées de la classe moyenne, qui grossit chaque jour, et dont les velléités libérales, ou, pour mieux dire, dont l’orgueil naissant s’accommoderait peu du retour d’un état de choses où la noblesse, grâce à son influence journalière sur le bas peuple, jouerait un trop grand rôle ; et, enfin, la scission de la noblesse elle-même,