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REVUE. — CHRONIQUE.

le nom de Fort de France à l’établissement de la baie de Stora. Il a, en même temps, profité de son voyage dans la province de Constantine, pour en organiser le gouvernement d’une manière définitive.

L’opposition a essayé ses forces dans l’élection du général Jacqueminot. Toutes les nuances de la coalition s’étaient réunies pour porter son concurrent, M. Bureaux de Pusy. Le parti parlementaire, les légitimistes, les républicains, se donnaient la main pour repousser M. Jacqueminot, qui a le tort très grave, aux yeux des uns, de ne pas croire à la violation du gouvernement représentatif, parce que les portefeuilles ne sont pas inféodés à quelques hommes dont il est le premier à reconnaître le talent et le mérite, et qui, aux yeux des autres, a commis le crime, bien grand, de réprimer les émeutes à la tête de la garde nationale, et de ne pas avoir soutenu la pétition de la réforme électorale. Il faut remarquer que le candidat qu’on opposait à M. Jacqueminot n’était pas lui-même partisan de la réforme, et qu’il ne demandait que l’admission des capacités au droit électoral. Il y a loin de là à vouloir que tout garde national soit électeur, et tout citoyen garde national. Mais il fallait bien trouver un concurrent présentable pour l’opposer à M. Jacqueminot, et nous avons déjà vu, plus d’une fois, que pourvu qu’on se mette dans la coalition, elle demande peu compte des opinions qu’on apporte. M. Bureaux de Pusy était donc à la fois le candidat des comités carlistes, des clubs républicains, des réunions doctrinaires, et de la défection du centre gauche qui s’est égaré dans cette cohue. Son opinion, d’ailleurs assez modérée, représentait, par un privilége tout-à-fait heureux, la déclaration des droits de l’homme, les états-généraux de la Gazette, le gouvernement parlementaire, tel que l’entend M. Duvergier de Hauranne, et l’administration constitutionnelle ramenée à ses véritables principes, telle que la souhaitait M. Gisquet dans la dernière session. Quant à M. Jacqueminot, il était accusé de telles énormités, que ses anciens amis pouvaient à peine le regarder en face. N’était-il pas devenu lieutenant-général en 1838, lui qui n’avait que depuis 1834 le droit de l’être par les règlemens militaires et par ses états de service ? N’était-il pas coupable de cumul d’un emploi dans la garde nationale et d’un emploi d’activité dans l’armée, lui qui a refusé également le traitement d’officier actif et celui de chef d’état-major de la garde nationale ? Nous ne parlons pas d’autres faits moins graves reprochés à M. Jacqueminot, tels que l’oubli d’une amnistie pour les délits de garde nationale, et sa présence aux Tuileries dans les solennités publiques. En face de tous ces adversaires, le général Jacqueminot en était réduit à l’appui des citoyens paisibles, qui vivent en dehors des passions de parti, et qui pensent que la charte de 1830, telle qu’elle est, est une constitution assez libérale pour protéger toutes nos libertés. Or, ces honnêtes citoyens, ces électeurs pleins de sens se sont trouvés au nombre de six cents, c’est-à-dire en très grande majorité. La réélection de M. Jacqueminot a cependant réjoui l’opposition. Puisque les électeurs, ces odieux défenseurs du monopole, ont donné leurs voix à M. Jacque-