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aux prééminences naturelles de l’âge et de la gloire, qu’ils ont plus de confiance dans leur propre avenir.

Ce n’est pas tout : les injustices de la polémique quotidienne, en tombant sur les personnes, portent une atteinte funeste à nos intérêts. Nous voyons des écrivains prendre parti pour l’étranger contre la France : je ne sais quelle cause certains hommes aimeraient mieux épouser que celle de leur pays ; ils seront tour à tour Mexicains, Belges ou Suisses, plutôt que de se montrer Français. Si notre gouvernement, se fondant sur les maximes les plus incontestables du droit public, demande à un pays ami et limitrophe l’expulsion d’un prétendant qui conspire sous le poids d’un pardon, plusieurs de nos journaux ne craindront pas d’envenimer les susceptibilités d’une nation qui se crut, à tort, un instant blessée dans ses droits, parce qu’on lui montrait quels étaient ses devoirs envers un allié. Dans le Nouveau-Monde, un intérêt différent, mais non moins grave, nous occupe. Il s’agit de fonder le droit des gens européen, de le faire respecter par l’ignorance et la barbarie de peuples nouveaux, légers, mutins et cruels comme des enfans. Certains organes de la presse approuvent à peine la légitimité de nos mesures énergiques, ils blâment le ministère d’exécuter à la fois les deux blocus du Mexique et de la République Argentine, comme si nous avions le choix du moment, comme si à deux outrages il ne fallait pas répondre par deux répressions. La question belge, dans laquelle l’Angleterre et la France agissent de concert, est aussi le thème de propositions singulières. À entendre quelques journalistes, tout est perdu pour la France si le territoire belge n’est pas augmenté et si la Hollande n’est pas encore amoindrie. Bon Dieu, monsieur, que cette politique extérieure est profonde ! Comme elle décèle un judicieux pressentiment des possibilités de l’avenir ! Heureusement, en dépit des erreurs, des contresens et des torts de la presse, notre politique extérieure poursuit avec calme et succès sa marche et ses développemens. La paix européenne n’est plus aujourd’hui un accident heureux, mais un vaste système à la durée duquel les autres peuples sentent n’avoir pas moins d’intérêt que la France. En Orient tout s’apaise, et nous gardons nos alliés et notre influence tant à Constantinople qu’à Alexandrie.

Peut-on trouver aussi une raison plausible aux attaques passionnées que la presse a dirigées contre l’homme d’état qui siége à côté de M. Molé dans le conseil, et qui partage avec lui la respon-