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LA PRESSE POLITIQUE.

aussi elle s’adresse à un public fatigué, à un auditoire aux trois quarts éclairci par l’absence, par les voyages, par les fuites aux champs. Les ministres terminent les affaires et ne prononcent plus de harangues. Les événemens deviennent plus rares, tout est au repos, et cependant la presse doit s’évertuer, ou du moins elle croit le devoir faire. Sous le coup de cette nécessité, la presse devra jeter un grand éclat, ou tomber dans de déplorables écarts ; pas de milieu : ou elle aura des idées et des théories d’une vérité assez triomphante pour réveiller l’attention du public, et conquérir l’assentiment général, ou bien elle s’aliénera l’opinion par l’injustice de ses attaques, la pauvreté de ses vues et le peu d’honnêteté de ses inventions. Voilà trois mois et demi que les deux tribunes se taisent et que les journaux parlent seuls ; qu’ont-ils fait ? Placés entre la société et le gouvernement, ont-ils apprécié sainement les tendances de l’une et les actes de l’autre ?

Avant d’approfondir cette question sérieuse, nous ne saurions trop insister sur l’importance de la presse politique, sur son rôle et sur ses droits. Dans nos sociétés modernes, la presse politique est une impérissable réalité : en Angleterre, en Amérique, en France, elle est plus qu’ailleurs l’organe aux cent voix des idées et des passions sociales ; c’est la tribune de Rome et d’Athènes, multipliée sur tous les points du territoire, mobile, inépuisable et toujours retentissante. La France, peut-être plus encore que l’Angleterre, aime cet exercice quotidien de la pensée s’appliquant aux intérêts généraux ; elle a connu la première les pamphlets politiques, et si la Grande-Bretagne nous a précédés dans la pratique constitutionnelle, la France a eu la priorité de l’opposition littéraire. Nous avons eu une presse politique dès le XVIe siècle, et depuis La Béotie jusqu’à Paul-Louis Courrier, nous avons le goût de la liberté de la presse. Ce goût est devenu une loi sociale, une condition nécessaire dans l’existence des gouvernemens et des nations modernes ; la discussion envahira progressivement le monde ; déjà elle en a la moitié. La chute de la restauration a servi, chez nous, de démonstration définitive à ce fait inévitable. Chez nous, la liberté de la presse est désormais inviolable et n’a plus à craindre qu’elle-même. La liberté de la presse est une puissance reconnue, mais non pas irresponsable, et l’opinion dont elle se dit l’organe, même parfois l’arbitre, la réclame à son tour pour sa justiciable.

C’est sans doute, monsieur, une belle et noble chose que de prendre la parole sur les affaires de son pays, sans autre mandat