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ATHÈNES SOUS LE ROI OTHON.

des mains barbares avaient entrouvert, s’est bientôt refermé sur elle, grâce à des mains civilisées. Il existait, en avant du carré d’Hadrien, trois colonnes d’un portique, vues encore en place et dessinées par Stuart ; une de ces colonnes, renversée par la guerre, gisait sur le sol ; elle est maintenant murée dans les fondations d’une caserne ; et ce n’est pas, cette fois, un Turc, c’est un ingénieur bavarois qui a accompli cet acte de barbarie au milieu de la nouvelle Athènes. Vous connaissez, dans ce quartier d’Athènes qui formait, de votre temps, l’habitation du vaivode, ces beaux restes des édifices construits par Hadrien, qui couvraient un espace considérable à peu près de forme carrée ; il en subsiste encore, avec une partie de la façade de l’ouest, deux des murailles, celles du nord et de l’est ; le sol y est exhaussé, plus peut-être qu’en aucun autre endroit de la ville moderne, comme on en peut juger par la profondeur à laquelle sont, pour ainsi dire, enterrées, au centre de cet espace, deux vieilles églises byzantines, bâties elles-mêmes sur des fondemens antiques. Cette profondeur peut, à la vue simple, s’évaluer à une vingtaine de pieds ; c’est donc de toute cette hauteur que l’encombrement s’est accru, depuis que le christianisme, triomphant avec Théodose, s’était emparé du sol classique pour y asseoir ses autels, et le plus souvent, pour y transformer, suivant son génie, pour y convertir à son usage, ce qui restait des temples antiques. Or, de quoi pensez-vous, mon cher ami, que soit formé cet encombrement qui atteint presque à la hauteur de la petite coupole de ces deux églises ? Évidemment il se compose des débris des monumens dus à la munificence d’Hadrien, et ce n’est pas là une simple conjecture. On sait qu’il existe, le long de la muraille du nord, douze colonnes couchées dans les décombres ; une de ces colonnes, qui se trouvait encore debout à sa place antique, en 1780, fut alors transportée dans l’église voisine des saints Anargyres ; toutes ces colonnes sont en marbre du mont Hymette, comme celles qui forment le portique érigé en avant de la muraille de l’ouest ; et, de ce côté aussi, pour peu qu’on entrouvrît le sol qui les recèle, on trouverait la plupart des élémens du portique, qui précédait la bibliothèque et le musée bâtis par Hadrien. Que croyez-vous donc, qu’on ait fait de ce sol si précieux, dont la moindre parcelle contient quelques débris de l’art attique, dont la poussière même rendrait de l’or entre les mains d’un antiquaire. On en a fait le marché de la ville moderne, et ce marché, construit en baraques de bois, de l’aspect le plus misérable, et adossé contre des murailles antiques d’une puissance et d’une solidité qui ont résisté à tant de siècles, offre ainsi le contraste le plus pénible, le spectacle le plus désolant qu’on puisse voir. J’ai voulu, pour accomplir jusqu’au bout ma tâche d’antiquaire, pénétrer jusqu’à cette muraille du nord, qui renferme encore trois des édicules décrits par Pausanias, et jadis ornés, avec tant de richesse et de goût, de bas-reliefs et de peintures sur leurs parois, d’albâtre et de dorure sur leurs plafonds. Les trous de scellement qui servaient à rapporter sur le mur ces peintures et ces bas-reliefs, s’y voient encore à diverses hauteurs, sur tout le prolongement de la muraille ; et j’aurais pu, avec un peu d’imagination ou