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mais les moines réguliers ne dépendent que des généraux qui sont à Rome, et les élections des abbés et des supérieurs des couvens ne sont valables qu’après avoir été confirmées en Italie, au siége des métropoles de chaque ordre, ce qui fait naître souvent des difficultés pour l’exequatur du roi, sans lequel on ne peut exécuter les bulles et les brefs. Enfin, le clergé a ses biens, et il a, jusqu’à présent, refusé au gouvernement d’en faire connaître la valeur. Il y a même, en Sicile, une autorité ecclésiastique, qui est à la fois indépendante de celle de Rome et du roi ; c’est l’évêque grec in partibus de Lampsaque, qui ordonne les prêtres des quatre colonies gréco-albanaises, établies en Sicile et dans les îles adjacentes, depuis des siècles. Le roi de Sicile nommait aussi autrefois à l’évêché de Malte ; il a dû renoncer à ce droit. Mais je m’écarte trop des rues et des églises de Palerme.

On peut se figurer tout ce qu’il y a de mystérieux et d’impénétrable dans une grande partie de cette ville, en pensant qu’on y trouve, outre les églises, soixante-sept couvens et quinze conservatoires de femmes. La plupart de ces retraites communiquent par des galeries souterraines, à des églises souvent très éloignées, et les religieuses viennent ainsi assister aux offices de nuit, sans traverser la ville. Les églises se trouvent d’ordinaire sur des places ou dans les principales rues, le Cassaro et la Via-Macqueda, ces deux longues lignes qui traversent, en forme de croix, toute la ville. De la Porta Felice, qui s’élève au bord de la mer, le coup d’œil est magnifique, et varie selon les heures. La rue du Cassaro, assez large, s’enfonce en droite ligne dans la ville, en s’élevant doucement jusqu’à la Porta Nuova, qui la termine en forme d’arc de triomphe, construit avec une somptuosité bizarre, et chargé d’ornemens empruntés à la fois aux styles gothique et sarrazin. L’autre rue se prolonge parallèlement au rivage de la mer, depuis la porte Antonino jusqu’à la porte Macqueda. À leur point d’intersection, les deux rues forment une place circulaire, composée de quatre grands palais uniformes, sur la façade desquels se voient, dans de magnifiques niches de marbre, les statues des rois Charles V, Philippe II, Philippe III et Philippe IV. Cette place est ornée de quatre charmantes fontaines, construites régulièrement sur trois ordres d’architecture, le dorique, l’ionien et le corinthien, et pavée de larges dalles. Il suffirait de la couvrir d’un plafond peint et doré, pour en faire le plus admirable salon du monde. La beauté, la noblesse et la richesse de ce lieu, qui ressemble plus à l’intérieur d’une habitation royale qu’à une place publique, vous arrêtent involontairement, et de ce carrefour de palais vos regards