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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

pas suffi pour entretenir au sein du parlement et de la nation cette irritation d’un quart de siècle qui fit accepter une nouvelle révolution comme une délivrance. On aurait pardonné à Charles II et la corruption de sa vie et sa politique soudoyée par la France ; on n’aurait pas exigé de Jacques II un compte plus sévère du sang versé par Jefferies, qu’on ne le demanda à son frère pour le sang de Russel et de Sidney, et, dans le calme des intérêts et des consciences, la royauté aurait ressaisi, on peut le croire, une partie notable de son pouvoir éclipsé. Mais les sentimens avoués du prince auquel appartenait le trône entretenaient la haine dans le présent, l’inquiétude dans l’avenir ; et les croyances catholiques de Jacques, bien plus que ses théories sur la prérogative royale, furent le motif d’une catastrophe dont l’approche n’échappait en Europe à aucun observateur attentif. Il n’y eut qu’une seule question sous ces deux règnes, l’anéantissement de la religion romaine et la mort civile des catholiques ; et le but fut atteint, comme on vient de le dire, par l’union de jour en jour mieux cimentée entre la noblesse épiscopale et la bourgeoisie presbytérienne.

Le principe d’une religion d’état exclusive et intolérante entra dès lors si profondément dans la constitution anglaise, qu’il en devint partie intégrante et ne parut plus pouvoir être arraché de ses fondemens sans entraîner pour l’édifice une chute inévitable et prochaine.

Louis XIV poursuivait sans doute les protestans avec une rigueur analogue à celle que le parlement anglais déployait contre les catholiques, et la révocation de l’édit de Nantes suivit de peu d’années l’acte fameux du test. Mais l’exil imposé aux religionnaires français par des passions peu éclairées ne fut qu’un accident dans notre histoire, tandis que la privation de tous les droits de patrie et de cité pour les non-conformistes devint une doctrine fondamentale de la monarchie britannique. Aussi, lorsque l’état civil fut rendu aux protestans, sous Louis XVI, y eut-il chez nous simple redressement d’une injustice, et personne ne considéra, par exemple, comme un évènement, la nomination, sous ce règne, d’un ministre protestant au contrôle-général des finances, tandis que l’émancipation catholique a été pour l’Angleterre le signal d’une ère nouvelle et de toute une révolution légale.

Les Stuarts se trouvaient placés dans la plus difficile des situations. Charles II, pour complaire à Louis XIV, Jacques II, pour satisfaire à sa propre conscience, aspiraient à adoucir les lois de fer qui pesaient sur leurs sujets catholiques. Ce dernier prince, quelles que pussent