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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

depuis Fairfax jusqu’à Cromwell lui-même, imprime à l’ensemble de cette longue crise un caractère constamment sévère et moral jusque dans ses plus criminelles violences. La convention d’Angleterre ne prépara pas les jours dépravés du directoire, plus dangereux peut-être pour un pays que ceux de la terreur eux-mêmes. Le règne des saints a, plus que toute autre époque, contribué à revêtir les mœurs nationales de cette gravité religieuse qui saisit fortement l’étranger, aujourd’hui même que le puritanisme, sorti de l’ordre politique, s’est réfugié dans la vie privée.

Une autre différence devrait être signalée entre ces deux périodes historiques. Si le gouvernement républicain bouleversa l’Irlande catholique, il ébranla peu le sol de l’Angleterre ; il ne fit pas surgir, comme la révolution française, une foule d’intérêts et d’existences aux lieu et place de tant d’autres brisés pour jamais. Un petit nombre d’hommes sortis des rangs du peuple et parvenus à quelques postes éminens de l’armée, un corps législatif choisi dans les dernières classes de la société, qui ne se sent pas la force de braver long-temps le ridicule dont le couvre l’opinion ; quelques nobles têtes roulant sur l’échafaud, une armée commandée par un homme supérieur et qui perd sa puissance d’intimidation du jour où le génie de Cromwell lui manque, voilà ce qui sortit d’une révolution qui ne sut pas, comme la nôtre, rendre infranchissable l’abîme placé entre le passé et l’avenir.

Aussi la restauration se trouva-t-elle accomplie du jour où le pays fut laissé à lui-même et où il se rencontra un homme qui sut comprendre le sentiment du pays.

Mais les Stuarts se trompèrent, comme d’autres princes se sont trompés après eux, sur la nature et la portée de ce sentiment lui-même. En entendant ces acclamations qui ne manquent jamais à un gouvernement qui commence, ils crurent que l’opinion avait abjuré les doctrines pour lesquelles elle s’était armée, et que la royauté, rappelée de l’exil, ne trouverait plus de résistance que l’enthousiasme populaire ne la mît en mesure de briser, ou que la corruption ne lui donnât le moyen de rendre inutile.

Cette erreur la perdit, car les destinées de l’Angleterre étaient dès-lors liées à des principes à la fois politiques et religieux qu’aucune influence n’était désormais en position d’ébranler. Si, dans le premier enthousiasme de la restauration, le parlement de Charles II parut faire bon marché de quelques théories constitutionnelles, on put voir bientôt que les passions religieuses avaient conservé toute