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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

qu’il remplaçait, de disserter sur le droit divin des princes et leur inamissible autorité ; homme grave et convaincu, Charles Ier voulut mettre en pratique les maximes qu’il représentait, d’une part, comme successeur des Tudors, de l’autre, comme chef suprême de l’église anglicane.

Au fond, les choses étaient venues à ce point où elles tendaient depuis long-temps, qu’il fallait vider le conflit entre les prétentions du parlement et celles de la royauté. Quoique l’imprudence de Charles, en se lançant, au début de son règne, dans des expéditions militaires sans but et sans résultat, hâtât sans doute l’instant où il lui faudrait compter avec ses deux chambres, on ne voit pas qu’il fût possible d’éloigner désormais pour long-temps la solution du problème dès-lors posé entre la couronne et l’opposition puritaine, entre l’une, armée des théories de despotisme politique et religieux, et l’autre, pleine de confiance et d’audace, parce qu’elle dominait à Westminster, comme dans la partie la plus active de la nation.

Charles eût pu, sans doute, n’avoir pas Buckingham pour favori, ne pas s’épuiser tour à tour contre l’Autriche, la France et l’Espagne en efforts superflus, qui le mirent, par l’effet même de ses besoins financiers, à la merci de son parlement ; il eût pu éviter de s’engager dans les querelles religieuses de l’Écosse ; compromis même dans ces graves affaires, il aurait pu, rien de plus évident, s’y conduire avec plus de mesure, et ne pas tenter des résistances désespérées, pour finir par tout concéder, jusqu’à la tête de Strafford ; Charles eût pu, en un mot, être un grand roi, au lieu de se montrer prince mal habile ; mais eût-il reçu du ciel les plus éminentes qualités de l’intelligence, n’eût-il commis aucune des fautes si nombreuses de sa vie, qu’il aurait été interdit au fils de Jacques Stuart de prévenir la lutte de principes dont il devint la déplorable victime.

Plus d’expérience des hommes et des idées de son temps aurait détourné Charles d’engager avec ses communes cette lutte de vingt années, qui finit par un grand attentat ; des prétentions moins imprudemment énoncées auraient épargné à l’Angleterre les violences du parlement républicain, suivies de celles de la restauration, et peut-être ce pays aurait-il pu jouir un demi-siècle plus tôt du pacifique établissement de son mécanisme constitutionnel. Mais aucune puissance au monde ne pouvait faire que les doctrines consignées dans la fameuse Pétition de droit, imposée à Charles Ier par l’accord des deux chambres de son parlement, ne devinssent, en définitive, les doctrines fondamentales de l’Angleterre.