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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

Tel était le droit universellement admis, et dont chaque session législative offrit des applications nombreuses. Que si l’on ajoute à ces maximes l’existence de la chambre étoilée, de la cour de haute commission, juridiction souveraine en matière de non-conformité, si l’on se rappelle les lois martiales dont se servait Élisabeth, chaque fois qu’elle pouvait craindre une heure de retard pour son expéditive justice, on devra reconnaître qu’il est difficile de découvrir, sous ce règne, non plus que sous les deux précédens, ces traces de liberté que prétend constater M. Hallam, en ouvrant à cette époque son Histoire constitutionnelle.

Mais la liberté anglaise devait sortir de l’excès même du despotisme, et la réforme, qui, dans l’établissement de l’église anglicane, servit d’instrument au pouvoir absolu de la couronne, dut bientôt, par l’effet de son génie propre, susciter d’autres tendances et allumer d’autres passions.

Lorsqu’un grand mouvement se produit dans l’esprit humain, et qu’au lieu d’y correspondre, on consacre les doctrines contre lesquelles ce mouvement s’opère en les dépouillant de ce qui constituait leur vie intime, il est difficile que les résistances ne se développent pas avec une irrésistible énergie. C’est là ce qu’on put prévoir en Angleterre quand, après Élisabeth et dans le cours même de son règne, on vit l’esprit puritain se porter l’implacable ennemi de l’établissement ecclésiastique. Celui-ci ne semblait-il pas appeler, en effet, de tous côtés, les attaques combinées et des calvinistes sévères et des catholiques restés fidèles ? Briser, comme superstitieuse et tyrannique, une suprématie spirituelle reconnue dans le monde chrétien depuis douze siècles ; puis, pour des convenances politiques, la rétablir tout entière dans la personne d’un idiot ou d’une jeune fille ; substituer une papauté royale et nationale à l’action indirecte de ce grand pouvoir européen exercée tant de fois d’une manière si haute et si populaire ; réformer arbitrairement certains dogmes, tandis que l’on protège tous les autres par des pénalités terribles : c’était là une de ces incohérences contre lesquelles se débattent long-temps l’esprit et la conscience des peuples.

Les ministres réformés, chassés d’Angleterre du temps de Marie, avaient vu, d’ailleurs, à Genève et à Zurich, célébrer le nouveau culte dans toute son austérité. En rapport, dès cette époque, avec Knox, le réformateur écossais, ils ne purent accepter sans résistance, en rentrant dans leur patrie, le caractère semi-catholique qu’Élisabeth entendait conserver aux cérémonies extérieures de son église.